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Littérature pour conjurer le trouble, le vertige de cette explosion ! oui !! virtuellement infinie d'images, (nous sommes tous des crapules) pour retrouver un fil conducteur (Ariane!--Au secours !!) dans ce labyrinthe de nos défaites. Que la fête à venir ne soit pas pour oublier le mal mais pour illustrer nos victoires ! ... P.S. : Je vous aime !

Voyelles

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombrelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
Rimbaud, Arthur

mardi 28 juillet 2009

Spleen, blues et autres couleurs (pourpres!) ...

Les retombées des cendres, il n'y a pas eu de destruction. Mais l'épreuve de la réalité comme toujours m'oblige à recadrer les perspectives, à faire le décompte de ce qui reste possible de ce qui ne l'est plus. À certains moment je me suis montré grossièrement insuffisant, relativement incompétent.

L'économie des mes investissements doit encore se réformer. Mais la voie intellectuelle semble toujours plus m'éloigner de l'amour ! Sans que ma puissance suffisante ne me permettre de compenser en pouvoir.

Je me redécouvre donc, à l'orée de cette vacance, seul, impuissant, quelconque cétacé échoué sur la plage. Et cela me fait une belle nageoire que de sentir, sous ma peau sèche, craquelée, qu'elle est de sable doré. Et j'attends à nouveau la prochaine marée.

J'ai un peu d'eau, une petite mare. Suffisamment en tout cas pour passer la nuit mais je me calme dans ma rage : je ne peux m'empêcher de ressentir l'appel du grand large, la nostalgie des grandes plongées en profondeur, à la recherche nutritive du mystère.

Le désert, par-delà, n'est pas le domaine que je consens à explorer. Il me faudrait toutes sortes d'équipements que je ne possède pas. Je me contente sur ce domaine du rapport, de seconde main, des autres. Ils sont faits différemment et ne craignent pas ces chaleurs excessives, cette sécheresse qui m'est inhabitable.

Mais je dois tenir compte du résultat de leurs explorations dans mon "tableau" du monde. Je dis tableau pour faire vite suggérer l'unité mais c'est un terme impropre parce qu'il y a plusieurs dimensions, même "sculpture" est insuffisant : je subodore l'existence effective de dimensions qui ne nous sont normalement pas accessibles.

Le monde est ouvert et c'est encore ce qui provisoirement me sauve, plus ouvert encore que mon image du monde. Inépuisable, virtuellement infini, il ne se refermera pas trop vite sur ma chétive carcasse. L'immersion est ma chance, ma panacée, mon viatique.

Elle continue de nourrir mon désir de fusion avec... plus grand, plus large... le large et ses profondeurs ! Malgré toute mon insignifiance, je suis inclus, quelque part, dans la vaste panse du devenir. L'Être n'a qu'à bien se tenir, il se décline au futur. Futurs présents, futurs passés, futurs toujours déjà présents et dépassés.

Le temps est l'Océan suprême et qui nous contient tous.

mercredi 22 juillet 2009

Tournoi d'échecs

Je participe à un tournoi d'échecs ces jours-ci et je m'y investis intensément, avec des résultats, il faut le dire, mitigés, mais c'est tout de même une intéressante expérience, riche d'enseignements. Elle alimentera très probablement mes réflexions et commentaires prochainement.

Mais il ne me reste plus beaucoup de temps pour toute autre activité et le tournoi se termine samedi prochain, le 25 juillet. C'est le C.O.Q (Championnat Ouvert du Québec, le tournoi ouvert le plus important au Québec. Je joue dans une section relativement faible, si on compare le calibre de jeu avec celui des grand maîtres invités, mais la compétition est néanmoins féroce. Je ne suis donc pas vraiment disponible et l'activité sur mes blogs est reportée à plus tard.

mardi 14 juillet 2009

Contre l'essentialisme

Vive le nominalisme ! C'est un peu le mot d'ordre qui résumerait le combat de Henri Meschonnic pour la responsabilité et la liberté du sujet, qui ne se trouverait, selon lui, que dans la reconnaissance première des individus. L'humanité n'existe, par exemple, que comme la collection complète de tous les êtres humains. C'est une entité non existante en ce sens qu'elle ne peut être que virtuelle et ne sera jamais actuelle.

En conséquence, on ne devrait jamais se permettre de commettre aucun acte, a fortiori des crimes, en son nom. C'est une abstraction. Pour aider l'humanité la seule manière serait de s'occuper concrètement des individus. Les personnes sont des fins, ne devraient jamais être prises en compte comme moyens ni disposées en objets.

Ici, c'est la théorie du langage qui prend le pas sur les abstractions plus ou moins philosophiques. Si on croit aux noms magiques, Dieu, etc., tout le reste en découle et nous sommes abonnés à toutes les horreurs. Mais c'est un pur acte de foi, et dangereux, dont nous pourrions et devrions nous passer !

Les universaux n'existent pas. Il faut se rabattre sur la théorie des ensembles. Ceux qui prétendent à l'existence réelle des universaux font de la théologie. Et de toutes sortes de manières, tant qu'on voudra, mais de la théologie quand même, plus ou moins hypocritement. Le service des abstractions aura toujours été préjudiciable à la vie, la simple existence des particuliers.

Et Meschonnic fustige le national-essentialisme de Heidegger(1) comme étant la forme la plus perfectionnée de cette perversion (et confiscation, par effet d'intimidation) de la pensée dans son livre, je crois le dernier publié avant sa mort. Il n'est donc pas exagéré d,interpréter ce texte comme une sorte de testament intellectuel et spirituel.

-- "Nous ne pensons encore ni le langage, ni le poème, ni l'éthique, ni le politique, tant que nous ne les pensons pas dans leur interaction, dans leur implication réciproque, et telle que chacun des termes modifie tous les autres et est modifié par eux.

-- Penser l'interaction langage-poème-art-éthique-politique permet de sortir de l'anthropologie de la totalité que produit le signe, dans la série de ses discontinus, pour penser le continu, et l'infini.

(...)

-- Si on ne pense pas la théorie du langage, selon l'interaction que j'ai dite, on ne pense pas et on ne sait pas qu'on ne pense pas. On vaque aux affaires courantes.

-- Pour penser selon leur interaction le langage, la poétique, l'éthique et le politique, le critère qui m'apparaît ici comme la relance de ce qui passe à la fois seulement pour de la logique, et pour une vieillerie reléguée au Moyen Âge, et si oubliée que j'ai pris en flagrant délit de confusion (à prendre l'un pour l'autre) des philosophes patentés : c'est ce vieux couple du réalisme logique et du nominalisme. Car il s'agit d'en comprendre, et d'en donner à comprendre (en quoi c'est tout l'enseignement qu'il faudrait transformer) les effets éthiques et politiques." (2)

Vaste programme, certes, mais au moins amplement pourvu de tâches concrètes.
__________
1. Heidegger ou le national-essentialisme, Éditions Laurence Teper, Paris, 2007, 200p.
2. Ibid. p.7 et 9-10.

samedi 11 juillet 2009

Demain il y aura Mars !

Je viens de terminer la lecture de la trilogie sur Mars de Kim Stanley Robinson et je suis encore sous le charme de ces personnages bien sûr attachant mais les sensations de cette esthétique rude mettent en vedette les environnements extrêmes d'une planète qui devient en vedette le personnage principal.

Et ce personnage se transforme tout de même assez vite au fil des pages, de la poussière rouge aux océans bleus, en passant par les tornades vertes... l'action en manque pas. La romance contrariée de Sax et Ann forme, on le comprend à la fin, les deux bras de l'accolade entre lesquels se déroule toute cette tranche de l'histoire du futur. Et quand enfin "ils le font"... on comprend que finalement tout peut arriver... si les protagonistes peuvent se payer le luxe d'attendre jusqu'à deux cents ans !!!

Les héros, en effet, acceptent de subir un traitement de reconstruction génétique qui permet une plus grande longévité. Quels sont les lecteurs qui peuvent bien imaginer les avantages d'une telle situation ? Ceux qui sont portés sur la connaissance, je dirais. Ce roman est dans le droit prolongement du style de Arthur C. Clarke, qui avant de venir à la science-fiction était un véritable physicien : io s'agit, par une anticipation apparemment vraisemblable de suggérer les contours d'un état futur, peut-être de la connaissance mais scientifique.

Je cite ce dialogue, un peu éthéré, placé en introduction du chapitre intitulé "Ingénierie sociale" qui se situe en plein coeur de Mars la Verte, pour illustrer mon propos.

--Et que ferez-vous de votre savoir ?
... - J'en apprendrai plus.
- Mais pourquoi ?
- Je ne sais pas, c'est ainsi que je suis.
- Certaines de vos questions ne devraient-elles pas être orientés dans ce sens : découvrir pourquoi vous êtes ainsi ?
- Je ne pense pas que l'on puisse trouver de bonnes réponses à des questions sur... la nature humaine. Il vaut mieux la considérer comme une boîte noire. On ne peut pas lui appliquer de méthode scientifique. Pas assez bien, en tout cas, pour être sûr de vos réponses.
- En psychologie, nous croyons avoir identifié une pathologie particulière dans laquelle une personne a besoin de tout savoir parce qu'elle a peur de ne pas savoir. Cette pathologie, nous la nommons monocausatoxophilie, selon le terme de Pöppel : l'attrait pour des causes simples qui expliquent tout. Qui peut se transformer en peur de manquer de causes. Car le manque peut-être dangereux. La recherche de la connaissance devient primitivement défensive, en ceci qu'elle est un moyen de nier la peur alors que l'on est vraiment effrayé. Au pire, ça n'est même pas la recherche de la connaissance, parce que lorsque les réponses arrivent, elles cessent d'être intéressantes, puisqu'elles ne sont plus dangereuses. Donc la réalité elle-même n'a plus d'importance pour le sujet. (...)
- Vous ne pouvez pas isoler les facteurs, vous ne pouvez pas répéter les conditions, vous ne pouvez pas émettre des hypothèses falsifiables. L'ensemble de l'appareil scientifique ne vous est pas accessible.
- Pensez un peu aux premiers scientifiques.
- Les Grecs ?
- Avant eux. La préhistoire n'était pas seulement le ronde des saisons, sans forme ni temps, comprenez-vous. Nous avons tendance à croire que ces gens ressemblaient à nos propres esprits inconscients, mais ils n'étaient pas ainsi. Pendant cent mille ans au moins, nous avons été aussi intellectuels que nous le sommes maintenant. Et chaque âge a eu ses grands savants, qui ont tous travaillé dans le contexte de leur temps, comme nous le faisons. Pour les plus anciens, il n'existait guère d'explication à quoique ce fût -- la nature était un tout aussi complexe et mystérieux que le sont nos propres esprits pour nous aujourd'hui, mais qu'y pouvaient-ils ? Ils devaient bien commencer quelque part, hein ? Voilà ce que vous devez vous rappeler. Et il a fallu des milliers d'années pour apprendre les plantes, les animaux, l'usage du feu, les roches, les haches, l'arc et la flèche, le refuge, les habits. Puis la poterie, l'agriculture, la métallurgie. Et tout cela si lentement, au prix de tant d'efforts. Tout cela transmis par l'enseignement oral, d'un savant à un autre. Et tout ce temps, il y eut des gens, sans aucun doute, pour dire que tout ça était trop complexe pour qu'on fût certain de quoi que ce soit. Pourquoi essayer, après tout ? À propos de cette situation, Galilée a déclaré : "Les anciens avaient de bonnes raisons de considérer les premiers savants comme des dieux, parce que les esprits communs étaient tellement peu curieux. Les petits indices qui ont précédé les grandes inventions relevaient d'un esprit surhumain et non pas trivial." Surhumain ! Ou, plus simplement, ce qu'il y a de meilleur en nous, les esprits les plus aventureux de chaque génération. Les scientifiques. Et en quelques millénaires, nous avons façonné un modèle du monde, un paradigme très précis et puissant. Non ? ...
- Mais est-ce que nous n'avons pas fait autant d'efforts durant toutes ces années -- avec si peu de succès -- pour nous comprendre nous-mêmes ?


Ils ne sont pas identifiés mais ce dialogue est maintenu comme dans les brumes d'un souvenir imparfait parce qu'il s'agit de Sax, qui cherche à reconstruire sa mémoire, justement, et retrouver toutes ses facultés après avoir subi la torture sophistiqué et des dommages au cerveau qui provoquent, entre autre, une aphasie presque complète. Dialogue donc entre Sax et Michel, le psychiatre, qui travaille avec lui pour le stimuler le préparer à un traitement qui pourra reformer du tissu, des neurones!, aux endroits où se trouvent les lésions :

"On lui avait fait pousser un nouveau cerveau. Ça n'était pas une façon de dire très précise. La lésion était circonscrite au tiers postérieur de la convolution frontale inférieure. Les tissus étaient morts à la suite de l'interruption de la stimulation focalisée par ultrasons de la zone mémorielle du langage au cours de l'interrogatoire. Une attaque. Une aphasie de Broca. Des difficultés avec moteur du langage, peu de mélodie, des difficulté dans l'amorce des articulations, réduction à la télégrammèse, surtout des noms et des formes simplifiées des verbes. Toute une batterie de tests détermina que la majorité des autres fonctions cognitives était intacte. Les choses perdaient leur nom. (...)

La destruction est la création. Redevenir petit enfant. Le langage est espace, une sorte de notation mathématique, des emplacements géométriques dans le palais de la mémoire. Lecture. Cartes. Codes, substitutions, noms secrets des choses. L'irruption flamboyante d'un mot. La joie de bavarder. La longueur d'onde de chaque couleur, par le nombre. Ce sable est orange, rouille, blond, jaune, sienne, ombre, ombre brûlée, ocre. Ce ciel est céruléen, cobalt, lavande, mauve, violet, bleu de Prusse, indigo, aubergine, bleu nuit."