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Littérature pour conjurer le trouble, le vertige de cette explosion ! oui !! virtuellement infinie d'images, (nous sommes tous des crapules) pour retrouver un fil conducteur (Ariane!--Au secours !!) dans ce labyrinthe de nos défaites. Que la fête à venir ne soit pas pour oublier le mal mais pour illustrer nos victoires ! ... P.S. : Je vous aime !

Voyelles

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombrelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
Rimbaud, Arthur

samedi 11 juillet 2009

Demain il y aura Mars !

Je viens de terminer la lecture de la trilogie sur Mars de Kim Stanley Robinson et je suis encore sous le charme de ces personnages bien sûr attachant mais les sensations de cette esthétique rude mettent en vedette les environnements extrêmes d'une planète qui devient en vedette le personnage principal.

Et ce personnage se transforme tout de même assez vite au fil des pages, de la poussière rouge aux océans bleus, en passant par les tornades vertes... l'action en manque pas. La romance contrariée de Sax et Ann forme, on le comprend à la fin, les deux bras de l'accolade entre lesquels se déroule toute cette tranche de l'histoire du futur. Et quand enfin "ils le font"... on comprend que finalement tout peut arriver... si les protagonistes peuvent se payer le luxe d'attendre jusqu'à deux cents ans !!!

Les héros, en effet, acceptent de subir un traitement de reconstruction génétique qui permet une plus grande longévité. Quels sont les lecteurs qui peuvent bien imaginer les avantages d'une telle situation ? Ceux qui sont portés sur la connaissance, je dirais. Ce roman est dans le droit prolongement du style de Arthur C. Clarke, qui avant de venir à la science-fiction était un véritable physicien : io s'agit, par une anticipation apparemment vraisemblable de suggérer les contours d'un état futur, peut-être de la connaissance mais scientifique.

Je cite ce dialogue, un peu éthéré, placé en introduction du chapitre intitulé "Ingénierie sociale" qui se situe en plein coeur de Mars la Verte, pour illustrer mon propos.

--Et que ferez-vous de votre savoir ?
... - J'en apprendrai plus.
- Mais pourquoi ?
- Je ne sais pas, c'est ainsi que je suis.
- Certaines de vos questions ne devraient-elles pas être orientés dans ce sens : découvrir pourquoi vous êtes ainsi ?
- Je ne pense pas que l'on puisse trouver de bonnes réponses à des questions sur... la nature humaine. Il vaut mieux la considérer comme une boîte noire. On ne peut pas lui appliquer de méthode scientifique. Pas assez bien, en tout cas, pour être sûr de vos réponses.
- En psychologie, nous croyons avoir identifié une pathologie particulière dans laquelle une personne a besoin de tout savoir parce qu'elle a peur de ne pas savoir. Cette pathologie, nous la nommons monocausatoxophilie, selon le terme de Pöppel : l'attrait pour des causes simples qui expliquent tout. Qui peut se transformer en peur de manquer de causes. Car le manque peut-être dangereux. La recherche de la connaissance devient primitivement défensive, en ceci qu'elle est un moyen de nier la peur alors que l'on est vraiment effrayé. Au pire, ça n'est même pas la recherche de la connaissance, parce que lorsque les réponses arrivent, elles cessent d'être intéressantes, puisqu'elles ne sont plus dangereuses. Donc la réalité elle-même n'a plus d'importance pour le sujet. (...)
- Vous ne pouvez pas isoler les facteurs, vous ne pouvez pas répéter les conditions, vous ne pouvez pas émettre des hypothèses falsifiables. L'ensemble de l'appareil scientifique ne vous est pas accessible.
- Pensez un peu aux premiers scientifiques.
- Les Grecs ?
- Avant eux. La préhistoire n'était pas seulement le ronde des saisons, sans forme ni temps, comprenez-vous. Nous avons tendance à croire que ces gens ressemblaient à nos propres esprits inconscients, mais ils n'étaient pas ainsi. Pendant cent mille ans au moins, nous avons été aussi intellectuels que nous le sommes maintenant. Et chaque âge a eu ses grands savants, qui ont tous travaillé dans le contexte de leur temps, comme nous le faisons. Pour les plus anciens, il n'existait guère d'explication à quoique ce fût -- la nature était un tout aussi complexe et mystérieux que le sont nos propres esprits pour nous aujourd'hui, mais qu'y pouvaient-ils ? Ils devaient bien commencer quelque part, hein ? Voilà ce que vous devez vous rappeler. Et il a fallu des milliers d'années pour apprendre les plantes, les animaux, l'usage du feu, les roches, les haches, l'arc et la flèche, le refuge, les habits. Puis la poterie, l'agriculture, la métallurgie. Et tout cela si lentement, au prix de tant d'efforts. Tout cela transmis par l'enseignement oral, d'un savant à un autre. Et tout ce temps, il y eut des gens, sans aucun doute, pour dire que tout ça était trop complexe pour qu'on fût certain de quoi que ce soit. Pourquoi essayer, après tout ? À propos de cette situation, Galilée a déclaré : "Les anciens avaient de bonnes raisons de considérer les premiers savants comme des dieux, parce que les esprits communs étaient tellement peu curieux. Les petits indices qui ont précédé les grandes inventions relevaient d'un esprit surhumain et non pas trivial." Surhumain ! Ou, plus simplement, ce qu'il y a de meilleur en nous, les esprits les plus aventureux de chaque génération. Les scientifiques. Et en quelques millénaires, nous avons façonné un modèle du monde, un paradigme très précis et puissant. Non ? ...
- Mais est-ce que nous n'avons pas fait autant d'efforts durant toutes ces années -- avec si peu de succès -- pour nous comprendre nous-mêmes ?


Ils ne sont pas identifiés mais ce dialogue est maintenu comme dans les brumes d'un souvenir imparfait parce qu'il s'agit de Sax, qui cherche à reconstruire sa mémoire, justement, et retrouver toutes ses facultés après avoir subi la torture sophistiqué et des dommages au cerveau qui provoquent, entre autre, une aphasie presque complète. Dialogue donc entre Sax et Michel, le psychiatre, qui travaille avec lui pour le stimuler le préparer à un traitement qui pourra reformer du tissu, des neurones!, aux endroits où se trouvent les lésions :

"On lui avait fait pousser un nouveau cerveau. Ça n'était pas une façon de dire très précise. La lésion était circonscrite au tiers postérieur de la convolution frontale inférieure. Les tissus étaient morts à la suite de l'interruption de la stimulation focalisée par ultrasons de la zone mémorielle du langage au cours de l'interrogatoire. Une attaque. Une aphasie de Broca. Des difficultés avec moteur du langage, peu de mélodie, des difficulté dans l'amorce des articulations, réduction à la télégrammèse, surtout des noms et des formes simplifiées des verbes. Toute une batterie de tests détermina que la majorité des autres fonctions cognitives était intacte. Les choses perdaient leur nom. (...)

La destruction est la création. Redevenir petit enfant. Le langage est espace, une sorte de notation mathématique, des emplacements géométriques dans le palais de la mémoire. Lecture. Cartes. Codes, substitutions, noms secrets des choses. L'irruption flamboyante d'un mot. La joie de bavarder. La longueur d'onde de chaque couleur, par le nombre. Ce sable est orange, rouille, blond, jaune, sienne, ombre, ombre brûlée, ocre. Ce ciel est céruléen, cobalt, lavande, mauve, violet, bleu de Prusse, indigo, aubergine, bleu nuit."

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