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Littérature pour conjurer le trouble, le vertige de cette explosion ! oui !! virtuellement infinie d'images, (nous sommes tous des crapules) pour retrouver un fil conducteur (Ariane!--Au secours !!) dans ce labyrinthe de nos défaites. Que la fête à venir ne soit pas pour oublier le mal mais pour illustrer nos victoires ! ... P.S. : Je vous aime !

Voyelles

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombrelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
Rimbaud, Arthur

samedi 14 mars 2009

Philosopher à l'ère des catastrophes

Cela n'est pas évident. Dans les époques de calme apparent la préoccupation philosophique, le souci des "grandes questions" passe facilement pour une sorte de maladie mentale et déjà Aristote avait ses théories sur la mélancolie des hommes de génie. Mais c'est une création de la tradition philosophique occidentale que de considérer que l'histoire humaine est une et de bout en bout.

Et vous, n'avez-vous pas l'impression qu'il serait intéressant de savoir à quel bout nous en sommes ? Dans l'époque où nous sommes, celle des catastrophes approchantes et qui plus est, pour ce que nous en savons, catastrophes qui sont de notre propre fait, dans l'étalement massif de notre style de civilisation.

Ni au début, peut-être pas à la fin mais... au beau milieu d'une crise qui est plus qu'une simple crise de croissance, plus qu'une crise du concept même de la croissance : les économistes clairvoyants, comme les écologistes nous disent que la croisssance, telle du moins que nous la connaissons, n'est absolument pas soutenable.

Il n'est vraiment pas exagéré de dire que cette crise, que je croyais jadis être celle de l'adolescence de l'humanité est, plus exactement une crise existentielle où c'est la question de la poursuite dans l'existant qui est posée, soit le mode panique de la question souvent trop "pausée" de l'être. Le thème du tragique, ici, de l'existence humaine dans cette histoire sur cette planète, pas la seule et de loin!, est celui introduit par le génie sensitif que fut William Shakespeare. Mais la traduction qu'on nous propose est édulcorée, elle-même faite à partir du passage original en anglais où la ponctuation est défectueuse, ce qui détruit la radicalité du sens de la question qui est posée. Nous croyons qu'il faille lire :

"Être ou ne pas... mais être!, oui, voilà ce dont il s'agit !" C'est le moment crucial de la décision d'être, largement volontariste, qui voit la naissance du sujet moderne qui selon nous traduit plus nettement le problème posé par l'énoncé anglais à la ponctuation correcte : "To be or not... To be! That is the question".

Il y a plus de trente ans que je me tue, littéralement, à dire que la question qui se pose à cette époque où j'ai eu la chance de naître est une question existentielle de la décision d'être mais pour toute l'humanité, quitte à m'engager dans une vie personnelle malheureuse. (Avec obsession sexuelle mais malheureusement incapacité à communiquer mon désir). Voilà pour la confession personnelle.

Mais aujourd'hui, où nous nous trouvons au-dessous de toute vérité, tant que cette question n'aura pas été nettement posée et en partie résolue, il est tout à fait légitime de dire : je vis ici et maintenant et puisque dans trente ans il est devenu inévitable que s'installe l'enfer sur terre, où ne survivra pas même 10% de la surpopulation actuelle (parce qu'il faut nourrir tout ce monde, alors qu'il n'y aura même plus assez d'eau à boire!) mon plaisir, aussi trash soit-il est la règle absolue de ma conduite.

Cette position de nihilisme subjectif, sous-variante d'un nihilisme actif, est aujourd'hui beaucoup plus répandue que l'on ne pense. Les discours officiels et les institutions perdurantes (c'est leur fonction) excluent l'expression de cette véritable stimmung de l'époque mais ne peuvent rien contre sa dominance. Mes sympathies en passant pour ceux qui trouvent encore la ressource de faire des enfants et de s'en occuper.

Philosopher aujourd'hui, oui mais, pourquoi : pour guider l'action ou pour justifier la destruction ? La seule chose qui m'est certaine c'est que l'on ne s'en tirera pas sans l'une et l'autre.

À bientôt, chers dinosaures.

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