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Littérature pour conjurer le trouble, le vertige de cette explosion ! oui !! virtuellement infinie d'images, (nous sommes tous des crapules) pour retrouver un fil conducteur (Ariane!--Au secours !!) dans ce labyrinthe de nos défaites. Que la fête à venir ne soit pas pour oublier le mal mais pour illustrer nos victoires ! ... P.S. : Je vous aime !

Voyelles

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombrelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
Rimbaud, Arthur

vendredi 9 avril 2010

mésinterprétations

Après la Seconde Guerre mondiale, lorsque les philologues eurent librement accès aux manuscrits, lorsque fut publiée la grande édition des œuvres philosophiques complètes par G. Colli et M. Montinari qui restituait leur ordre chronologique aux fragments posthumes, Nietzsche échappa enfin aux conflits idéologiques de la première moitié du XXe siècle. Il semble devenir, non pas tout à fait un penseur classique, mais suffisamment inactuel pour que la philosophie puisse chercher dans son œuvre un renouvellement, un recours au-delà d'un hégélo-marxisme alors triomphant. Ce qui lui a été alors demandé est une nouvelle démarche critique, ou plutôt historico-critique la généalogie. N'avait-il pas rompu, au moins dans la forme de l'exposition, avec la tradition philosophique? N'avait-il pas entrepris une mise en question radicale de la philosophie occidentale considérée comme nihiliste? Son "inactualité" consonait étonnamment avec les interrogations contemporaine de la seconde moitié du XXe siècle. En France, un philosophe prestigieux, Paul Ricoeur, proposa un syncrétisme associant bizarrement Nietzsche à Marx et à Freud; ce qui fut pour quelques années fort actuel. Michel Foucault déclare en 1967 :

Le XIXe siècle est singulièrement Marx, Freud et Nietzsche nous ont remis en présence d'une nouvelle possibilité d'interprétation, ils ont fondé à nouveau la possibilité d'une herméneutique [...]. Je me demande si l'on ne pourrait pas dire que Marx, Nietzsche et Freud, en nous enveloppant dans une tâche d'interprétation qui se réfléchit toujours sur elle-même, n'ont pas constitué autour de nous, et pour nous, ces miroirs d'où nous sont envoyées des images dont les blessures intarissables forment notre narcissisme d'aujourd'hui.


À quoi il fut répondu qu'il y avait sans doute pléthore d'interprétations :

Si Marx a raison, Nietzsche doit être interprété comme un phénomène de la bourgeoisie à telle époque. Si Freud a raison, il faut connaître l'inconscient de Nietzsche et donc je vois une sorte de guerre entre Nietzsche et les deux autres.


De fait, cette trinité des "philosophes du soupçon" n'a été qu'une construction idéologie passagère. Nietzsche ne peut pas être lu en ne retenant que la généalogie comme méthode isolable du thème de la volonté de puissance qui la fonde, et comme si cette dernière était interchangeable avec le matérialisme de Marx et la libido de Freud. Comprendre Nietzsche est comprendre ensemble, comme dans une seule main, les thèmes majeurs : non seulement de l'immoralisme et de la surhumanité, mais aussi du dionysisme et de l'éternel retour.

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