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Littérature pour conjurer le trouble, le vertige de cette explosion ! oui !! virtuellement infinie d'images, (nous sommes tous des crapules) pour retrouver un fil conducteur (Ariane!--Au secours !!) dans ce labyrinthe de nos défaites. Que la fête à venir ne soit pas pour oublier le mal mais pour illustrer nos victoires ! ... P.S. : Je vous aime !

Voyelles

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombrelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
Rimbaud, Arthur

mardi 16 mars 2010

La création comme autothérapie

...l'art de vivre, qui est aussi l'art de créer, ne fait qu'un avec l'acte d'éprouver, de questionner, d'être étonné, de voir et d'apprendre sans cesse au fil des instants. C'est dans cette dimension invisible, inévaluable, laissée pour compte par tout pont de vue nécessairement extérieur -- dimension que l'on ne peut décrire que bien imparfaitement puisqu'on ne peut le faire qu'à partir d'une distance et qu'en l'extériorisant -- que se trouve la vraie vie ou la vraie réalité. Par l'acte de créer, nous cherchons à nous donner une grande santé, une fois dit que celle-ci n'est jamais acquise, mais qu'il faut sans cesse la reconquérir. Je parle de l'acte de créer et non de l'œuvre en tant qu'elle est l'aboutissement de cet acte. Certes, c'est l'œuvre qui est remarquée, mais ce qui fait du bien, c'est l'acte même de créer. C'est pourquoi il nous faut créer encore. De même qu'on ne peut pas dire "J'ai vécu" -- la vie ne se conjuguant vraiment qu'au présent. L'acte de vivre et de créer est un défi toujours nouveau. Il ne faut donc pas nous fier aux apparences. L'œuvre donne souvent l'apparence de la force. Mais la source de la création est la fragilité. L'acte de créer est souvent une façon de faire face à des événements ou a des épreuves qui nous dépassent. C'est parce que nous nous sentons perdus, que nous ignorons, que nous nous trouvons dans une impasse, que nous ne pouvons résoudre telle énigme vitale, que nous sommes aux prises avec des forces plus grandes que nous -- que nous n'avons pas le choix et devons enfourcher la ligne de création. Nous créons pour être plus vivants, car tant d'éléments de la situation dans laquelle nous nous trouvons ont pour effet de réduire ou d'étouffer la vie. Certains de ces éléments sont incontournables et tiennent à notre finitude. Nous sommes sur ce plan limités de mille façons, aux prises avec mille contraintes. L'acte de créer permet de produire un espace de liberté au sein de ces limites et de ces contraintes. D'autres éléments appartiennent au contexte historique et culturel dans lequel nous nous trouvons. Créer est une manière de résister, de faire entendre notre voix au milieu des consensus préfabriqués. D'autres éléments encore tiennent à nous-mêmes, aux limites que nous nous imposons. Créer consiste alors à nous mettre nous-mêmes au pied du mur, à nous dépasser. L'acte de créer n'aboutit a aucune fin, à aucune conclusion, à aucune vérité qui pourrait être formulée. Il fait lui aussi partie du mystère de la vie ou de la réalité. Il n'occupe aucune position de survol, mais appartient de plain-pied à l'immense processus de création de la nature dont l'être humain n'est qu'un fragment minuscule. L'acte de créer n'est qu'une manifestation de la vie, l'une des plus intenses sans doute, car se trouvant au plus près du mystère de la réalité même.

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