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Littérature pour conjurer le trouble, le vertige de cette explosion ! oui !! virtuellement infinie d'images, (nous sommes tous des crapules) pour retrouver un fil conducteur (Ariane!--Au secours !!) dans ce labyrinthe de nos défaites. Que la fête à venir ne soit pas pour oublier le mal mais pour illustrer nos victoires ! ... P.S. : Je vous aime !

Voyelles

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombrelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
Rimbaud, Arthur

lundi 15 mars 2010

Sagesses chinoises

UNE VISION DU MONDE RÉARTICULÉE PAR L'IDÉOGRAPHIE

La clé de toute culture est la langue dans laquelle celle-ci s'exprime et qui est l'instrument primordial de sa manière de déchiffrer le monde. Pour la Chine, cet instrument a été très savamment réélaboré dans une écriture idéographique raffinée, au point que la langue naturelle a été transmuée dans ce que l'on peut à bon droit considérer comme une langue graphique sui generis.

Une écriture idéographique

En Chine, l'écriture fut inventée à l'époque des Yin (les trois derniers siècles de l'avant-dernier millénaire av. J.-C. marquant la fin de la dynastie préhistorique des Shang) par les devins en vue d'enregistrer des protocole de divination. La divination en usage était une forme particulièrement sohistiquée de scapulomancie(interprétation des os éclatés à la chaleur), pratiquée sur des omoplates de bovidés ou des écailles de tortue, sur lesquelles furent dès lors directement notées les protocoles de divinisation sous forme de courtes notices caractéristiques de ce que l'on appelle les inscriptions oraculaires. Le lexique de ces inscription comporte près de quatre mille idéogrammes. Une telle quantité de graphies n'aurait pu être maîtrisée sans une rationalisation très poussée du sustème de l'éciture idéograpique. Les devins y réussirent si bien que, à la différence des autres écritures, qui ont toutes évolué de l'idéographie à l'écriture alphabétique, l'écriture chinoise a achevé de se perfectionner dans sa forme idéographique, qu'elle a conservée jusqu'à nos jours.

Ce perfectionnement a été opéré par le moyen d'une remarquable réorganisation de la structure des graphies, toutes ramenées à une combinaison de guère plus de deux ou trois des quelques deux cents strutures graphiques identifiées comme élémentaires, qu'on peu appeler sous-grpahies. Ces sous-graphies sont elles-mêmes composées d'un petit nombre de traits de pinceau (trait horizontal, trait oblique de droite à gauche, trait oblique de gauche à droite, trait en crochet..., en tout huit traits de pinceau) dégagés comme pertinents par Cui Ziyi (fin du IIe siècle - début du IIIe siècle de notre ère), un des premiers spcialistes de l'analyse de la calligraphie. De plus et surtout, la recomposition de chaque idéogramme a été traitée de manière à faire apparaître une de ses sous-graphies comme radical sémantique (significatif de telle ou telle classe de choses : eau, air, feu, arbre, main, etc.) et une autre comme discriminant phonétique (indiquant plus ou moins exactement la prononciation de l'idéogramme par celle, similaire, d'une autre graphie).

À travers cette systématisation de tout le corpus des idéogrammes (qui a fini par s'élever à quelque cinquate milliers, quoique jamais plus du dixième n'ait été usuel), c'est tout le lexique des mots de la langue, que les idéogrammes précisément servent à représenter, qui a été restructuré. Et comme la syntaxe même du discours noté idéographiquement est restée profondément marquée par l'extrême concision et le parallélisme (la parfaite symétrie terme à terme de deux propositions couplées) des formules oraculaires originelles, s'est en définitive opérée dans la Chine ancienne la formation d'une langue graphique spécifique, bien plus éloignées de la langue parlée que ne l'est en général la langue écrite.

Lillérature, calligraphie et peinture

Lorsque, après Confucius, au terme de près de dix siècles d'usage purement rituel et administratif, cette langue graphique s'est ouverte à une utilisation proprement littéraire, elle a donné naissance à une littérature totalement détournée des genres qui ailleurs sont les premiers piliers de la création littéraire (ceux de l'épopée, du thâtre, du roman), mais qui n'en a pas moins extraordinairement brillé dans ce qui faut considérer comme les deux grands genres de la littérature chinoise : la prose d'idées, où la langue graphique est apte à procurer à la pensée une force d'expression incomparable, et la poésie du sentiment de la nature, où elle peut atteindre un lyrisme sans égal.

C'est que la langue graphique est, littérairement, un instrument bien plus perfectionné que tout ce que peut prêter à la création littéraire une écriture alphabétique, en cela qu'elle double le registre des effets phoniques (ici d'autant plus riches que les prononciations des graphies sont affectées de tons : le chinois est une langue tonale, c'est-à-dire une langue où les oppositions de hauteur dans la prononciation des voyelles ont valeur distinctive) d'une extraordinaire palette d'images sémantiques, dont le déploiement aussi bien que la très forte prégnance sont assurée par la remarquable systématisation du lexique des idéogrammes.

Sans doute la langue graphique est-elle aujourd'hui tombée en désuétude, entièrement remplacée parce que l'on appelle la langue parlée écrite, laquelle n'est plus une traduction en langue graphique du discours parlé mais la transcription mot à mot de ce discours. L'écriture idéographique a été pliée à ce nuvel usage à partir de la fin des Tang, vers le IXe siècle, ce qui a d'ailleurs bientôt entraîné le développement de l'épopée, du théâtre et du roman chinois, précédemment inexistants.

Mais elle n'a pour autant rien perdu de sa vitalité comme art, un art que les Chinois continuent de placer au premier rang des arts plastiques : la calligraphie, art d'exalter plastiquement les images sémantique de l'idéographie. Et si, à la différence de la calligraphie arabe, la calligraphie chinoise n'est pas simplement ornementale mais a toujours été cultivée par et pour elle-même, c'est que son registre n'est pas seulement celui de la trentaite de lettres d'un alphabet, fussent-elles traitées au second degré comme celles d'une écriture sainte, mais celui du sens même des choses, déchiffré par l'idéographie.

Observons encore que la peinture chinoise par excellence, la peinture à l'encre, est fille de la calligraphie : avec la même technique de pinceau que le lettré calligraphe, le peintre lettré ne fait rien d'autre que de substituer, sur son rouleau de papier, aux idéologrammes déchiffrant la réalité du monde, les représentations des objets déchiffrés, peintes en traits de pinceau répondant au même code que celui qui règne sur la calligraphie. En somme, dans la peinture à l'encre comme dans la calligraphie, comme dans la littérature, c'est une même culture idéographique qui décrypte le monde.

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