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Littérature pour conjurer le trouble, le vertige de cette explosion ! oui !! virtuellement infinie d'images, (nous sommes tous des crapules) pour retrouver un fil conducteur (Ariane!--Au secours !!) dans ce labyrinthe de nos défaites. Que la fête à venir ne soit pas pour oublier le mal mais pour illustrer nos victoires ! ... P.S. : Je vous aime !

Voyelles

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombrelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
Rimbaud, Arthur

mardi 24 novembre 2009

Petite feuille dans le vent

Ma belle est dans la tourmente. Au moins je ne suis pas cause de souci pour elle. Mais elle en a déjà tant que, sensible, fragile au fond, elle en perd le sommeil. Elle est trop exigeante, se met de la pression et voudrais être parfaite. J'ai essayé de la conseiller hier, mais je ne sais pas si elle a bien compris. Le mieux est l'ennemi du bien.

Elle dit que je ne la comprends pas. Elle dit aussi qu'elle me comprend. Elle croit me comprendre bien... Je crains plusieurs formes de déséquilibres...

samedi 21 novembre 2009

rêves de haut-jeu de la séduction

On a beau rêver lorsque l'on a dormi profond : ne peut pas noter son rêve qui veut et l'attraper par la queue est plus ou moins difficile selon les circonstances : lorsqu'une envie de pipi est contrariée par une érection aussi solide que résiduelle et qui la contrarie aussi... l'entrée dans le journal des rêves risque d'être sommaire et de toute façon après coup. Moi je dois maintenant apprendre à jouer le jeu de l'attente, de la vérification discrète et oui, apprendre à me laisser (un peu, juste assez, pas trop ...) désirer.

Quel peut-être le sens, quand le temps passe... il est passé! ... quel peut-être le sens, après coup, sûrement, l'émotion retombe... quelque peut-être le sens de ce qui s'écrit et s'est écrit sur les nuages, qui passent... et se transforment, protéiformes... ou pire sur le vent. Le sens ? Du désir qui s'écrit dans le temps. Lorsque la vague retombe... dans l'océan du temps, ma vague se confond...

L'image rémanente s'éteint doucement mais disparaît bien vite sur la rétine des yeux fermés, image d'un bonheur qui aurait pu être... le mien!, le tien ? ...

Sinon la mort dans l'âme, parce que, tout de même, c'est trop grave, mais du moins avec une grande tristesse, je prends la résolution de ne pas donner signe de vie à Yezi durant trois jours, de jeûne, de sevrage et pour éprouver sa patience, voir ses réactions, ou son contrôle, car elle doit être maîtresse dans ce jeu, de contrôle de ses émotion. Ce qui me mène à mardi matin (jour de guerre...) et à moins, simplement, d'une demande et exigence expresse de rompre ce silence, qui serait alors compris comme délibéré.

À moins que mon cœur et la communication rétablie au sien ne me disent le contraire... Parce que, sur le fond, je ne suis pas en guerre, je suis en amour !

jeudi 19 novembre 2009

Paradoxes de l'Amour à distance...

Pour le commun des mortels, ce sujet est incompréhensible : il n'y a pas de possibilité concrète ni même d'expérience imaginable d'un quelconque "amour à distance". Mais je me fous complètement de cette pitoyablement triste condition du "commun des mortels", justement, parce que je refuse, dans mes bons moments, de m'identifier de quelque façon que ce soit avec ce triste troupeau. On leur autorisera encore quelques pas, quelques soupers, quelques nuits avant l'abattoir.

Moi, je vis, probablement trop intensément, les tribulations d'une histoire d'amour, mais, oui, à distance. Avec la femme qui a capté mon imaginaire mais qui demeure à Beijing. Quelquefois j'ai le sentiment, décourageant, que cette histoire d'amour bat de l'aile. Je n'ai réellement aucun contrôle sur ses états d'esprit, les situations qu'elle vit, concrètement, de par son travail sa situation sociale, ses relations familiale, amicales et... peut-être bien aussi amoureuses... pour ce que j'en sais.

Mais j'ai confiance en elle, le fait qu'elle soit venue vers moi, sur ce site AFF indique son besoin d'une relation profonde, tendre, amoureuse. Je tente de me rendre plus concret, jusqu'au point de la provoquer, quelquefois, aux abords de la perversité et de la tentation pornographique, défiant sa grande réserve naturelle, sa pudeur, sa timidité même... Mais je sens aussi que quelque part elle y prend goût, ou sinon une sorte de plaisir plus ou moins pervers. Émoustillée... Elle en veut un petit peu, mais pas trop !

Alors, pas de contrôle, de la confiance. Le premier paradoxe étant que cette femme a tout pour elle, je n'ai pas grand-chose, matériellement, à lui offrir. Je dois donc faire valoir mes autres qualités. Mais elle n'a pas souvent le temps de se concentrer pour répondre au niveau de questions que je lui adresse... mais elle sait souvent me surprendre par fulgurance : parce que ses processus mentaux me sont largement inconnus, qu'elle est très brillante, et ses modes de pensée s'enracinent dans une culture dont je ne soupçonne que quelques ombres !

Je voudrais aller voir dans sa caverne, plonger dans son être, explorer et nager dans ses humeurs... et je ne sais même pas si un jour je pourrai seulement la toucher... réellement ! C'est là la source d'un... malaise, quelquefois simple inconfort lié à l'incertitude concernant le devenir, du monde, de nos êtres en évolution, de notre relation. Quelquefois la tension du désir, l'angoisse de la perdre : si elle rencontre un autre homme qui lui inspire de vifs désir, s'il se révèle un amant acceptable, voire surprenant!, je suis perdu... ou du moins je perds la prise symbolique, purement subjective que j'ai tenté d'établir sur elle, tentant en retour de capter son imaginaire.

Nous sommes attachés, comme accrochés à une toile d'araignée faite de nos rêves... Je suis transi, craintif, tour à tour surchargé et dépressif. J'ai besoin au moins d'une petite dose, d'elle, quasi-quotidienne.

Mais je vis plus intensément. Elle est plus active, déjà par son travail, mais elle a besoin, aussi, d'un certain type de stimulation, romantique, sensuel, mais suggéré, passant par l'écriture, cette forme d'écriture... Je ne veux pas devenir un poids, je ne peux pas prendre à distance contrôle de sa vie. Je lui demande pourtant de venir au plus vite pour me permettre de prendre le contrôle de son corps, son magique corps d'amour. Je suis fou et malin, naïf et puissant. Pour me faire aimer, je dois faire montre d'une certaine force, mais aussi, elle me prend en pitié pour la guérison qu'elle peut me donner, de mes blessures d'amours passés, des plaies qui suppurent, de ma souffrance actuelle de ne pas être avec elle.

vendredi 6 novembre 2009

Yes, dear, I am okay...

Il est bien certain que les données objectives de ma situation atypique rendent plus difficiles mes amours. Depuis longtemps déjà je renonce sur ce plan à satisfaire de manière triomphante mes appétits... En fait, c'est cette misère sexuelle à laquelle je suis condamné depuis de très longues années déjà que je ressens comme la pire humiliation de mon existence, qui n'a pourtant pas dit encore son dernier mot.

Je voyais se présenter un renversement complet de perspective avec le développement foudroyant de ce nouvel amour chinois : une femme exceptionnelle, probablement trop bien pour moi, et avec laquelle je m'efforce encore, pour le moment, de ne pas rompre le contact car il est celui d'une communication étonnante, de justesse et de pertinence intellectuelles mais aussi de puissance et de potentiel de développement spirituels.

J'ai su hier qu'elle était encore menstruée à 51 ans. Cela fut une partie de son problème dans ses amours passés, elle tombait enceinte trop facilement et des avortements à répétition ont eu raison de son deuxième couple il y a quatre ans. Avant hier, en plus d'un sévère mal de dents l'hémorragie libératrice se déclenchait. Mon réflexe a été de lui demander de venir me voir au plus vite pour que je puisse lui faire un enfant.

Je lui ai ensuite envoyé un email avouant que pour la première fois je regrettais de ne pas être riche : c'était tout ce qui m'empêchait de m'envoler pour Beijing pour la mettre en scène lors de sa prochaine période de fertilité, c'est-à-dire dans deux semaines, environ-... si elle y consentait, bien sûr ! En fait, elle ne tient pas à prendre le risque, à son âge, dit-elle, de porter un enfant. Et pas seulement par soucis de santé, mais aussi par réalisme socio-économique, ai-je dû comprendre.

Désespéré, découragé... en y repensant, un bonne dose de réalisme est une bonne douche froide et nous est nécessaire si nous devons nous organiser pour tenir la distance : elle ne peut pas songer à prendre sa retraite avant au moins trois ans.

Moi je peux, mais elle, voudra-t-elle m'attendre... Surtout que c'est elle qui fait le trois quart des efforts et que c'est elle qui devra venir ici me rencontrer, puisque dans un avenir prévisible je serai dans la rigoureuse impossibilité de voyager si loin...

C'est, en tout cas pour moi, ma passionnante histoire à suivre...

Elle est belle et brillante, trop bien pour moi, plus forte, puissante spirituellement... mon guru et mon amour. Je m'accroche du mieux que je peux tant qu'elle voudra bien entendre parler de moi.

Je suis aussi la vérité.

jeudi 29 octobre 2009

You'll be okay

Kerouac à sa première, ex-femme, sérieuse selon les critères mainstream américains : avec l'argent, c'est-à-dire le travail, la réputation, un certain décorum and so on... Il sétaient nés la même année, mais elle, dans une famille riche. Elle a trouvé le moyen, de justesse et même après sa mort, survenue en 1993, de faire publier ses mémoires, centrés autour de leur époque amoureuse, à l'Université Columbia qu'ils fréquentaient tous deux à New York.

C'est l'irresponsabilité sociale des "hipsters", les amis de Kerouac qu'elle ne pouvait encaisser... et surtout le fait que Jack se laissait bien trop facilement influencer par ce genre de vie de débauche et trop bohème à son goût. Alcools qui coulent a flots, bière et spiritueux, les drogues, douces ou dures... Le mariage n'a pas duré longtemps mais Jack est souvent revenu en contact avec cet ancien amour qui lui ramenait la nostalgie de sa jeunesse : Là où tout était encore possible, j'imagine.

À la fin c'était uniquement par téléphone, des appels tard dans la nuit. C'est là qu'il ui aurait dit, en dernier, peu avant sa mort, discutant de leurs problèmes respectifs : "You'll be Okay"... évidemment parole lénifiante, omnibus, pour calmer donc et rassurer fasse à tout ce qui monte, de derrière le décor et qui tôt ou tard viendra nous submerger.

Je veux être heureux, au moins un moment, avec mon amour de Yezi, ma Chinoise dissidente, avant que le grand Cric ne me croque !

mardi 27 octobre 2009

Grippe et panique médiatique

On parle dans nos contrées beaucoup actuellement de la fameuse grippe H1N1, sous-type de la déjà fameuse grippe, jadis dite espagnole (influenza de type A). Quelques années auparavant c'était la grippe aviaire, d'origine est-asiatique qui avait suscité les inquiétude. Un médecin vietnamien s'était courageusement sacrifié, en condamnant son hôpital, pour éviter la propagation.

Ce sous-type a été précédemment baptisée, lorsqu'elle est apparue au Mexique l'an dernier, du nom, apparemment désobligeant de grippe porcine (swine flu) et on dit à profusion dans les médias à la population de prendre des précautions, de ne pas encombrer les hôpitaux, de se faire vacciner mais en même temps on admet qu'il y a des retards importants dans la vaccination... D'où la peur grandissante chez plusieurs même seulement de sortir de chez soi !

Va-t-on fermer les lieux publics, va-t-on décourager les grandes manifestations collectives (sports, spectacles, colloques et conventions) ? Il se produit un enchaînement catastrophique où il n'est même plus de mise de se demander qui a ainsi intérêt à faire peur au monde.

Alors nous examinons le développement de cette crise, la vitesse à laquelle frappe cette pandémie qui sévit partout à travers le monde. L'Afrique est relativement mois atteinte mais elle aussi est touchés, quoique proportionnellement plus par d'autres types de grippe.

Je vais au tournoi d'échecs en fin de semaine, pour tenter de redorer mon blason, mais j'ai peur un peu... Il y a trois ans, au Tournoi du Père Noël, ici, à Montréal, j'avais joué en premier ronde contre un certain Théo Matthews qui toussait et mouchait copieusement, juste devant ma face pendant des heures. J'ai lutté tout du long et eu quand même un relativement bon tournoi, mais quand il fut fini, tout près du Jour de l'An, donc, je dus m'allonger et me soigner : je passai à la nouvelle année dans des dispositions pitoyables, mais heureusement temporaires.

Mais si la chose devait se reproduire, cette fois avec cette grippe ! ... Je n'ose imaginer les conséquences de certaines négligences... Mais c'est l'Halloween : on se déguise en monstre et on se moque de la guigne, pour l'apprivoiser !

mercredi 30 septembre 2009

un rêve

J'ai rêvé ce matin. J'étais à un examen vers la fin du collège, classe pleine, atmosphère fébrile, examen de littérature avec une cinquantaine de questions à longs développement. Tous les crayons s'agitent. Étrangement je suis un des derniers à rester dans la salle alors que les autres quittent après avoir terminé. Habituellement je me souviens que j'étais presque toujours dans les plus rapides.

Mais ce sont des questions à développement et j'ai beaucoup à dire. Le professeur qui corrige déjà les copies remises est une figure vague. Une sorte de mélange entre une jeune, toute petite professeure de latin à ma première année de secondaire et de Annette, prof. d'Anglais de secondaire 3.

Chacun doit se lever pour aller chercher les cahiers à remplir avec les questions. Au troisième, je vois un petit carnet qui traîne, oublié par un précédent collègue. Je le mets subrepticement dans la poche (possibilité de tricher?)... craignant d'être aperçu, découvert ?... Mais un bref coup d'œil me montre que le professeur est absorbé dans ses corrections.

Je retourne à ma rédaction enfiévrée alors que les autres continuent de quitter. Un moment on annonce qu'il ne reste que 5 minutes. Il me reste plusieurs questions à remplir. Je tente de couper au plus vite. Au moins laisser quelques mots dans les cinq ou six questions qu'il me reste à remplir. Puis à la toute dernière seconde, alors qu'il ne reste que quelques attardés, qui, eux, ne semblent pas très performants, je tends ma copie, que contre le règlement le professeur parcourt rapidement. Il laisse alors tomber ce commentaire : "À la fin, la perfection. Nous avons ici un 100 % pur écrivain !"

Je me réveille, ravi, mais tout de même un peu inquiet. Mais le temps passe, l'histoire continue de nous passer sur le corps (avec sa grande hache) et la planète roule sur sa boule, nous donnant le tournis.
A rivedercì !

mardi 29 septembre 2009

amours lointaines

je cherche par l'allongement des doigts de l'autre côté de la planète ce que je ne trouve pas ici par aveuglement
l'amour l'AMOUR TOTAL L'AMOUR VRAI L'AMOUR TORRIDE ET SENSUEL LA PASSION PHYSIQUE ET METAPHYSIQUE désir insatiable de sens de vérité de vie
dans la sauvage braderie économique après la déspiritualisation maoïste les religions ne peuvent y pourvoir
les femmes chinoises cherchent à s'évader de ce cauchemar dont elles osent à peine se souvenir la fuite dans l'imaginaire et dans la rêverie éveillée le romantisme est un faible bol d'air dans ce vide ce désir dévorant de vivre un peu de bonheur un peu de sens dans l'enfer totalitaire
les hommes je ne sais pas ils ne m'intéressent pas c'est mon parti-pris bien peu sartrien les chinois ennemis demain peut-être

la Chine accumule les tonnes mais pas seulement de CO2, tonnes et mégatonnes de colère et de frustrations aussi.

lundi 28 septembre 2009

voisinage

Il se passe bien des choses dans le monde. En fait, malgré mon relatif immobilisme il continue fatalement de tourner... pour le meilleur et pour le pire. Tout cela rebondit de diverses manière , brasse et rebrasse. Toutes formes de vie, dont les individus humains, cherchent à prolonger le souffle, le mouvement, le métabolisme, mais aussi dans ce dernier cas, à frayer un chemin et répondre à quelques questions, apprises et/ou fondamentales, dont la question absolument fondamentale du sens.

Frayer un chemin qui ait du sens... et mieux encore, qui fasse sens.

De fait tout vivant humain a comme une sorte de relation avec son époque ressemblant au mariage. Mais dans ce mariage il était d'abord enfant (néant, désir vague quant à l'issue mais vif quand à l'objet-présent, contact, étincelle de vie, bourgeonnement de cellules, embryon embrayant sur le traîneau ovarien (trolley, disait Miller*), puis fœtus et nouveau-né).

Fulgurance du sexe, magie du contact, étincelle allumée, puis longue gestation où l'on apprend l'ennui avant le monde, puis la découverte d'un sombre compagnon, la variation des humeurs, l'écume des jours comme disait l'artiste hyperactif et souriant Boris Vian.

J'ai un nouveau voisin et lui il a de vrais problèmes, aggravés du fait qu'ils se présentent en paquets. Il doit faire face sur tous les fronts. Nous avons un style très différent, profil histoire et attitudes, mais il se prénomme Jacques. Or, je ne sais pas trop pourquoi mais j'ai une tendresse spéciale pour les Jacques.

Je vais au moins tenter de le connaître un peu mieux, de comprendre l'ensemble de ses difficultés, pour voir au moins si de quelque manière je pourrais l'aider. Parce que à côté de lui il me semble que mes problèmes pâlissent, ou ne font pas vraiment le poids.

C'est déjà une sorte de gain marginal qui décentre ma quête du sens.
__________________
* Tropique du Carpricorne, début.

vendredi 4 septembre 2009

moi pas pouvoir

Je ne peux pas abandonner tout à fait l'écriture parce qu'alors me menace l'effondrement dans l'indistinction et dans le vice, la saleté, l'indifférence, la haine sans objet : avide de tous les objets. Je vacille mais je me reprends et je me dis que je dois encore faire l'effort de vivre... une vie qui aurait encore des contours reconnaissablement humains.

Je dois donc encore faire l'effort de ponctuer mon rapport au monde pour contrôler ma respiration, garder mes distances et repérer les coins viables, où encore un peu d'eau et d'air frais permet un moment de survie. Je ne suis pas mort au monde et le monde ne s'acharne pas directement, tout de suite, à ma disparition. Je me sens le devoir, le désir encore, d'assumer cette responsabilité de vivre. Pas seulement libidinal, esthétique aussi, lent gagier, donc connaissabilité avec enjeux épistémologiques.

"Lent gagier", un truc récurrent dans mon écriture. Il signifie que le langage est une relance du pari d'exister, un report du pari sur des lents demains qui chantent peut-être, ou permettent d'exister encore et pourquoi pas mieux ? Le langage relance l'exigence d'exister. Il est in-sistance.

C'est vital. Tant que je pourrai continuer à respirer à la surface de cette planète, ou ailleurs, je serai dans cette disposition de devoir rendre compte ou du moins témoigner de mon expérience de vivre, c'est-à-dire surtout à me heurter aux parois du bocal de l'impossibilité d'une vie vraiment souveraine pour l'individualité quelconque que je suis.

Composer, donc, dans le langage... puis... puisque avec les autres... Mais chaque autre doit faire l'effort de devenir même dans le langage, et lui-même, donc. C'est la puissance contraignante de notre plus puissant instrument, génériquement parlant, qui nous propulse dans une téléologie qui est celle-là même de l'accomplissement et réalisation des virtualités de l'espèce.

moi pas pouvoir moi devoir

mardi 28 juillet 2009

Spleen, blues et autres couleurs (pourpres!) ...

Les retombées des cendres, il n'y a pas eu de destruction. Mais l'épreuve de la réalité comme toujours m'oblige à recadrer les perspectives, à faire le décompte de ce qui reste possible de ce qui ne l'est plus. À certains moment je me suis montré grossièrement insuffisant, relativement incompétent.

L'économie des mes investissements doit encore se réformer. Mais la voie intellectuelle semble toujours plus m'éloigner de l'amour ! Sans que ma puissance suffisante ne me permettre de compenser en pouvoir.

Je me redécouvre donc, à l'orée de cette vacance, seul, impuissant, quelconque cétacé échoué sur la plage. Et cela me fait une belle nageoire que de sentir, sous ma peau sèche, craquelée, qu'elle est de sable doré. Et j'attends à nouveau la prochaine marée.

J'ai un peu d'eau, une petite mare. Suffisamment en tout cas pour passer la nuit mais je me calme dans ma rage : je ne peux m'empêcher de ressentir l'appel du grand large, la nostalgie des grandes plongées en profondeur, à la recherche nutritive du mystère.

Le désert, par-delà, n'est pas le domaine que je consens à explorer. Il me faudrait toutes sortes d'équipements que je ne possède pas. Je me contente sur ce domaine du rapport, de seconde main, des autres. Ils sont faits différemment et ne craignent pas ces chaleurs excessives, cette sécheresse qui m'est inhabitable.

Mais je dois tenir compte du résultat de leurs explorations dans mon "tableau" du monde. Je dis tableau pour faire vite suggérer l'unité mais c'est un terme impropre parce qu'il y a plusieurs dimensions, même "sculpture" est insuffisant : je subodore l'existence effective de dimensions qui ne nous sont normalement pas accessibles.

Le monde est ouvert et c'est encore ce qui provisoirement me sauve, plus ouvert encore que mon image du monde. Inépuisable, virtuellement infini, il ne se refermera pas trop vite sur ma chétive carcasse. L'immersion est ma chance, ma panacée, mon viatique.

Elle continue de nourrir mon désir de fusion avec... plus grand, plus large... le large et ses profondeurs ! Malgré toute mon insignifiance, je suis inclus, quelque part, dans la vaste panse du devenir. L'Être n'a qu'à bien se tenir, il se décline au futur. Futurs présents, futurs passés, futurs toujours déjà présents et dépassés.

Le temps est l'Océan suprême et qui nous contient tous.

mercredi 22 juillet 2009

Tournoi d'échecs

Je participe à un tournoi d'échecs ces jours-ci et je m'y investis intensément, avec des résultats, il faut le dire, mitigés, mais c'est tout de même une intéressante expérience, riche d'enseignements. Elle alimentera très probablement mes réflexions et commentaires prochainement.

Mais il ne me reste plus beaucoup de temps pour toute autre activité et le tournoi se termine samedi prochain, le 25 juillet. C'est le C.O.Q (Championnat Ouvert du Québec, le tournoi ouvert le plus important au Québec. Je joue dans une section relativement faible, si on compare le calibre de jeu avec celui des grand maîtres invités, mais la compétition est néanmoins féroce. Je ne suis donc pas vraiment disponible et l'activité sur mes blogs est reportée à plus tard.

mardi 14 juillet 2009

Contre l'essentialisme

Vive le nominalisme ! C'est un peu le mot d'ordre qui résumerait le combat de Henri Meschonnic pour la responsabilité et la liberté du sujet, qui ne se trouverait, selon lui, que dans la reconnaissance première des individus. L'humanité n'existe, par exemple, que comme la collection complète de tous les êtres humains. C'est une entité non existante en ce sens qu'elle ne peut être que virtuelle et ne sera jamais actuelle.

En conséquence, on ne devrait jamais se permettre de commettre aucun acte, a fortiori des crimes, en son nom. C'est une abstraction. Pour aider l'humanité la seule manière serait de s'occuper concrètement des individus. Les personnes sont des fins, ne devraient jamais être prises en compte comme moyens ni disposées en objets.

Ici, c'est la théorie du langage qui prend le pas sur les abstractions plus ou moins philosophiques. Si on croit aux noms magiques, Dieu, etc., tout le reste en découle et nous sommes abonnés à toutes les horreurs. Mais c'est un pur acte de foi, et dangereux, dont nous pourrions et devrions nous passer !

Les universaux n'existent pas. Il faut se rabattre sur la théorie des ensembles. Ceux qui prétendent à l'existence réelle des universaux font de la théologie. Et de toutes sortes de manières, tant qu'on voudra, mais de la théologie quand même, plus ou moins hypocritement. Le service des abstractions aura toujours été préjudiciable à la vie, la simple existence des particuliers.

Et Meschonnic fustige le national-essentialisme de Heidegger(1) comme étant la forme la plus perfectionnée de cette perversion (et confiscation, par effet d'intimidation) de la pensée dans son livre, je crois le dernier publié avant sa mort. Il n'est donc pas exagéré d,interpréter ce texte comme une sorte de testament intellectuel et spirituel.

-- "Nous ne pensons encore ni le langage, ni le poème, ni l'éthique, ni le politique, tant que nous ne les pensons pas dans leur interaction, dans leur implication réciproque, et telle que chacun des termes modifie tous les autres et est modifié par eux.

-- Penser l'interaction langage-poème-art-éthique-politique permet de sortir de l'anthropologie de la totalité que produit le signe, dans la série de ses discontinus, pour penser le continu, et l'infini.

(...)

-- Si on ne pense pas la théorie du langage, selon l'interaction que j'ai dite, on ne pense pas et on ne sait pas qu'on ne pense pas. On vaque aux affaires courantes.

-- Pour penser selon leur interaction le langage, la poétique, l'éthique et le politique, le critère qui m'apparaît ici comme la relance de ce qui passe à la fois seulement pour de la logique, et pour une vieillerie reléguée au Moyen Âge, et si oubliée que j'ai pris en flagrant délit de confusion (à prendre l'un pour l'autre) des philosophes patentés : c'est ce vieux couple du réalisme logique et du nominalisme. Car il s'agit d'en comprendre, et d'en donner à comprendre (en quoi c'est tout l'enseignement qu'il faudrait transformer) les effets éthiques et politiques." (2)

Vaste programme, certes, mais au moins amplement pourvu de tâches concrètes.
__________
1. Heidegger ou le national-essentialisme, Éditions Laurence Teper, Paris, 2007, 200p.
2. Ibid. p.7 et 9-10.

samedi 11 juillet 2009

Demain il y aura Mars !

Je viens de terminer la lecture de la trilogie sur Mars de Kim Stanley Robinson et je suis encore sous le charme de ces personnages bien sûr attachant mais les sensations de cette esthétique rude mettent en vedette les environnements extrêmes d'une planète qui devient en vedette le personnage principal.

Et ce personnage se transforme tout de même assez vite au fil des pages, de la poussière rouge aux océans bleus, en passant par les tornades vertes... l'action en manque pas. La romance contrariée de Sax et Ann forme, on le comprend à la fin, les deux bras de l'accolade entre lesquels se déroule toute cette tranche de l'histoire du futur. Et quand enfin "ils le font"... on comprend que finalement tout peut arriver... si les protagonistes peuvent se payer le luxe d'attendre jusqu'à deux cents ans !!!

Les héros, en effet, acceptent de subir un traitement de reconstruction génétique qui permet une plus grande longévité. Quels sont les lecteurs qui peuvent bien imaginer les avantages d'une telle situation ? Ceux qui sont portés sur la connaissance, je dirais. Ce roman est dans le droit prolongement du style de Arthur C. Clarke, qui avant de venir à la science-fiction était un véritable physicien : io s'agit, par une anticipation apparemment vraisemblable de suggérer les contours d'un état futur, peut-être de la connaissance mais scientifique.

Je cite ce dialogue, un peu éthéré, placé en introduction du chapitre intitulé "Ingénierie sociale" qui se situe en plein coeur de Mars la Verte, pour illustrer mon propos.

--Et que ferez-vous de votre savoir ?
... - J'en apprendrai plus.
- Mais pourquoi ?
- Je ne sais pas, c'est ainsi que je suis.
- Certaines de vos questions ne devraient-elles pas être orientés dans ce sens : découvrir pourquoi vous êtes ainsi ?
- Je ne pense pas que l'on puisse trouver de bonnes réponses à des questions sur... la nature humaine. Il vaut mieux la considérer comme une boîte noire. On ne peut pas lui appliquer de méthode scientifique. Pas assez bien, en tout cas, pour être sûr de vos réponses.
- En psychologie, nous croyons avoir identifié une pathologie particulière dans laquelle une personne a besoin de tout savoir parce qu'elle a peur de ne pas savoir. Cette pathologie, nous la nommons monocausatoxophilie, selon le terme de Pöppel : l'attrait pour des causes simples qui expliquent tout. Qui peut se transformer en peur de manquer de causes. Car le manque peut-être dangereux. La recherche de la connaissance devient primitivement défensive, en ceci qu'elle est un moyen de nier la peur alors que l'on est vraiment effrayé. Au pire, ça n'est même pas la recherche de la connaissance, parce que lorsque les réponses arrivent, elles cessent d'être intéressantes, puisqu'elles ne sont plus dangereuses. Donc la réalité elle-même n'a plus d'importance pour le sujet. (...)
- Vous ne pouvez pas isoler les facteurs, vous ne pouvez pas répéter les conditions, vous ne pouvez pas émettre des hypothèses falsifiables. L'ensemble de l'appareil scientifique ne vous est pas accessible.
- Pensez un peu aux premiers scientifiques.
- Les Grecs ?
- Avant eux. La préhistoire n'était pas seulement le ronde des saisons, sans forme ni temps, comprenez-vous. Nous avons tendance à croire que ces gens ressemblaient à nos propres esprits inconscients, mais ils n'étaient pas ainsi. Pendant cent mille ans au moins, nous avons été aussi intellectuels que nous le sommes maintenant. Et chaque âge a eu ses grands savants, qui ont tous travaillé dans le contexte de leur temps, comme nous le faisons. Pour les plus anciens, il n'existait guère d'explication à quoique ce fût -- la nature était un tout aussi complexe et mystérieux que le sont nos propres esprits pour nous aujourd'hui, mais qu'y pouvaient-ils ? Ils devaient bien commencer quelque part, hein ? Voilà ce que vous devez vous rappeler. Et il a fallu des milliers d'années pour apprendre les plantes, les animaux, l'usage du feu, les roches, les haches, l'arc et la flèche, le refuge, les habits. Puis la poterie, l'agriculture, la métallurgie. Et tout cela si lentement, au prix de tant d'efforts. Tout cela transmis par l'enseignement oral, d'un savant à un autre. Et tout ce temps, il y eut des gens, sans aucun doute, pour dire que tout ça était trop complexe pour qu'on fût certain de quoi que ce soit. Pourquoi essayer, après tout ? À propos de cette situation, Galilée a déclaré : "Les anciens avaient de bonnes raisons de considérer les premiers savants comme des dieux, parce que les esprits communs étaient tellement peu curieux. Les petits indices qui ont précédé les grandes inventions relevaient d'un esprit surhumain et non pas trivial." Surhumain ! Ou, plus simplement, ce qu'il y a de meilleur en nous, les esprits les plus aventureux de chaque génération. Les scientifiques. Et en quelques millénaires, nous avons façonné un modèle du monde, un paradigme très précis et puissant. Non ? ...
- Mais est-ce que nous n'avons pas fait autant d'efforts durant toutes ces années -- avec si peu de succès -- pour nous comprendre nous-mêmes ?


Ils ne sont pas identifiés mais ce dialogue est maintenu comme dans les brumes d'un souvenir imparfait parce qu'il s'agit de Sax, qui cherche à reconstruire sa mémoire, justement, et retrouver toutes ses facultés après avoir subi la torture sophistiqué et des dommages au cerveau qui provoquent, entre autre, une aphasie presque complète. Dialogue donc entre Sax et Michel, le psychiatre, qui travaille avec lui pour le stimuler le préparer à un traitement qui pourra reformer du tissu, des neurones!, aux endroits où se trouvent les lésions :

"On lui avait fait pousser un nouveau cerveau. Ça n'était pas une façon de dire très précise. La lésion était circonscrite au tiers postérieur de la convolution frontale inférieure. Les tissus étaient morts à la suite de l'interruption de la stimulation focalisée par ultrasons de la zone mémorielle du langage au cours de l'interrogatoire. Une attaque. Une aphasie de Broca. Des difficultés avec moteur du langage, peu de mélodie, des difficulté dans l'amorce des articulations, réduction à la télégrammèse, surtout des noms et des formes simplifiées des verbes. Toute une batterie de tests détermina que la majorité des autres fonctions cognitives était intacte. Les choses perdaient leur nom. (...)

La destruction est la création. Redevenir petit enfant. Le langage est espace, une sorte de notation mathématique, des emplacements géométriques dans le palais de la mémoire. Lecture. Cartes. Codes, substitutions, noms secrets des choses. L'irruption flamboyante d'un mot. La joie de bavarder. La longueur d'onde de chaque couleur, par le nombre. Ce sable est orange, rouille, blond, jaune, sienne, ombre, ombre brûlée, ocre. Ce ciel est céruléen, cobalt, lavande, mauve, violet, bleu de Prusse, indigo, aubergine, bleu nuit."

dimanche 28 juin 2009

Heidegger

Heidegger, ce "grand penseur", est aussi et peut-être plus essentiellement, un grand sensitif. C'est-à-dire plus déjà qu'un être très sensible. Il sentait et voyait venir les choses de loin. Mais il a eu... nous ne disons pas la chance : le destin de vivre quelque chose d'exceptionnel : une époque. Et quelle époque ! Celle des décisions radicales et des tentatives marquantes.

Nous n'aurions pas eu le même Heidegger sans le nazisme. Meilleur, pire ? C'est à chercher dans les univers parallèles... autant dire : je ne sais pas. Grand destin, petits effets. Heidegger, remarquable professeur, apprend à lire et à penser. Mais il se cache et ne permet pas d'accéder à la décision.

Sartre disait quelque part (dans la revue Combat, en 1946 -trouver la référence exacte-) que Heidegger manquait de caractère. Il voulait dire, sans doute (il faudrait retrouver le contexte), de courage physique. Parce qu'il n'osa pas s'opposer explicitement, à la machine en effet implacable, effroyable. Ce qui aurait été de s'offrir en sacrifice, clairement.

Mais Sartre, lui, ne manquait pas de caractère. Peut-être un peu plus de discrétion... Heidegger sut, dut, pour sauver sa peau, pour survivre et passer au travers des années de plomb puis de l'écrasement complet de l'Allemagne sous les bombes, et les famines, détresses qui s'ensuivirent, ruser.

Sans doute une grande part de la stratégie institutionnelle et intellectuelle de monsieur Martin Heidegger a eu pour motif, toutes antennes dehors, de le mettre à l'abri de la menace physique et même pire, que faisait sur lui peser le massacre.

Avait-il le choix ? Bonne question. Comparativement Sartre est une grande gueule et il n'aurait pas fait long feu, disons, à sa place. La place est importante, et le temps, et l'époque, en plus de la dis-position : caractère, humeurs, dispositions : stimmung.

Il fallait un esprit en retrait, qui survive, appréhende et rende compte, contourne et dépasse le phénomène exorbitant du fascisme nazi, un modèle du genre qui de cesse d'inspirer des épigones. Un univers de complicités... savoir, ne pas savoir ; l'intelligence devine. La décision dans l'action est un pari. D'une manière ou d'une autre, les effectifs seront détruits : Life finds a way mais par des chemins détournés.


Le nom d'Allah et le Coran est un gros pari levé sur la langue arabe. Heidegger, lui, parie sur l'allemand. Il ne concède que du bout des lèvres qu'il soit possible, aussi, de penser en français. Mais une grande partie de son œuvre s'arcboute contre le rayonnement de la latinité. Nous allons étudier, voir, suivre ce pari.

mardi 23 juin 2009

Henri Meschonnic

Un grand monsieur, quoique de physique petit et rondouillard, avec cette tête invraisemblable à la Schopenhauer, est décédé récemment. Il est devenu l'auteur d'une œuvre importante, avec un passage bien senti dans le débat autour de Heidegger où il se situait nettement dans l'opposition. Je vais relire, d'ailleurs, bientôt, son livre Le langage Heidegger, (PUF, 1990) pour amener de l'eau au moulin de ma stratégie de contournement.

J'ai repris à la bibliothèque une réédition, format poche, de son énorme livre Critique du rythme, Verdier, 1982, 740p. En hommage, je vais copier un long passage, pris presque au hasard, III, 6. Le sujet est l'individuation, pp. 94 à 96.

---Dans "L'État et le rythme", Mandelstam écrivait en 1920 : "Un homme amorphe, sans forme, un individu inorganisé est le plus grand ennemi de la société". Sans "l'organisation de l'individu", il prévoyait la menace de rester avec le collectivisme sans collectivité" (O. Mandelstam, Collected Works en 3 vol., New York, Inter-Language Literary Associates, t. 3, p. 123). C'est-à-dire sans individus. Cette analyse est politique parce qu'elle vient de la poésie. La poésie fait un révélateur de société, parce qu'un individu y est en jeu, et que là où un individu est en jeu, le social est en jeu. Ce qui ne signifie pas que tout poète est un politique. Un des possibles de la poésie est le sens de la théorie -- qui commence, dans le poète, par le sens de sa propre histoire.

---C'est pourquoi on pourrait soutenir que la société se joue aussi gravement, sinon plus, dans le rapport du poème à la société que dans la critique directe de la société. Le marxisme, la Théorie critique ont montré, par leur régionalisation des problèmes (économismes, sociologisme, politisme), leurs oscillations théoricistes-pragmatiques (fonction de leur incapacité prévisionnelle) que, comme toutes les idéologies politiques, ils continuent d'utiliser les individus pour une représentation de la société, non la société pour les individus. Au mythe des masses correspond le contre-mythe de l'individu.

---Adorno veut ainsi établir que "ce qui parle dans l'art" est "son véritabe sujet, et non celui qui le produit ou le reçoit" (Théorie esthétique, p. 222). Il ne s'agit pas simplement de ne plus le confondre avec le je biographique. Il s'agit de réduire l'individu-confondu-avec-le-sujet au social. Parce qu'en effet le sujet est social. Et que l'individu est censé être l'anti-social, l'incompatible--au lieu que la collectivité n'existe que s'il existe. Mais un romantisme de la masse y est substitué. Stratégie du pouvoir. Puisqu'on parle en son nom : Le travail de l'œuvre d'art est social à travers l'individu, sans que celui-ci ait par là conscience de la société : peut-être d'autant plus qu'il en est moins conscient". Le recours à la conscience, comme notion individualiste d'individu -- manœuvre idéologique plus qu'analyse historienne -- sont deux obstacles à une théorie du langage, et du sujet, en art. On vide l'individu de son intolérable unicité. Pourtant, l'art est l'observatoire, et le laboratoire, qui fait pus que toute pratique sociale apparaître que c'est dans l'individu que se réalise autant le sujet que le social.

---Opposer le sujet au social, ou l'individu au social, est une erreur qui coûte d'abord à la théorie esthétique, ensuite au social. Adorno écrit : "Le sujet individuel, qui toujours intervient, n'est guère plus qu'une valeur limite, qu'un élément minimal dont l'œuvre a besoin pour se cristalliser". De même, l'individu vivant n'est que l'élément minimal dont la vie a besoin pour se réaliser. Cette conception biologise le social : lui retire, et retire au sujet individuel, leur spécificité, qui est leur histoire. L'œuvre y devient une entité métaphysique, douée du plus inexplicable besoin. Le social s'y révêle un mythe, le produit d'un programme rationaliste. Mythe en ce qu'il est mobilisateur, et fait un récit de vérité révélée. L'entité du social est donc ce qui fait, presque, l'œuvre, qui est ainsi présente virtuellement avant de passer, grâce à l'auteur, a l'état final de cristallisation. Où on discerne nettement la confusion, déjà chez Marx, entre conditions sociales de production et production spécifique de l'oeuvre -- confusion porpre au sociologisme : Raphaël dans L'Idéologie allemande. Mélange de téléologie et de scolastique, qui invente un état de l'œuvre avant l'œuvre comme une entité semi-réelle. Mais cette intervention supposée est une invention pour la cause. Le sujet n'intervient pas. Le désir de le réduire, de le limiter à un "élément minimal", rend, ou laisse, à cette intervention tout le mystère qu'il s'agissait, dans ce pseudo-matérialisme, d'analyser en termes historiques. Alors que l'historicité et l'unicité de chaque vie font du sujet individuel une nécessité du social, que l'œuvre figure. Il n'est pas nécessaire d'éliminer l'auteur, pour montrer qu'il est social, historique autant qu'individuel, comme Sartre a montré pour Flaubert, dans le tome III de L'Idiot de la famille. Dans et par l'œuvre, le sujet n'est pas l'individu. Le sujet est l'individuation : le travail qui fait que le social devient l'individuel, et que l'individu peut, fragmentairement, indéfiniment, accéder au statut de sujet, qui ne peut être qu'historique, et social. Comme on accède, indéfiniment, à sa langue maternelle.

---Il est particulièrement important, pour la critique de la société, et du sujet, que les théories de la société sont incapables d'une théorie de la production littéraire et artistique. Elles montrent par cette incapacité leur incapacité d'une conception générale du sujet. Et du langage.

---Les intuitions théoriques des poètes ne désocialisent pas, au contraire, l'individu sujet auteur. Le rythme, le poète, la prophétie sont liés significativement. L'écoute du sujet est autant l'écoute du social que celle de l'histoire. Tout se passe comme si, à l'inverse des rapports de force, les politiques et les théoriciens de la politique avaient peut ;a la fois du poète et de l'individu unique -- le poète étant le représentant, le symbole de ce dernier -- alors que le poète n'a pas peur du social, qui justement l'écrase. Car il ne peut être sujet que s'il est une écoute, il ne peut être une écoute que s'il est le sens le plus fin du social."

Fin de la citation. Je remarque dans la liste des ouvrages de l'auteur, à la fin, qu'il récidive peu avant sa fin, sur le problème Heidegger. Heidegger ou le national essentialisme, Laurence Teper, 2007. À lire bientôt. Encore beaucoup de plaisir en perspective et nous en reparlerons ici.

samedi 13 juin 2009

Aphorismes immodestes

I

On accepte le philosophe encore moins que le poète, à moins qu'il ne soit bardé de diplômes universitaires. En ce cas c'est une garantie d'innocuité. Que peut dire de prégnant sur la vie un type aussi rassis ? Le poète on le sait décrit des sensations intimes qui touchent ou ne pas, mais chacun est juge suffisant. La prétention d'universalité du philosophe sauvage, pour moi le seul vrai, est absolument insupportable au genre d'erreur vitale que doit absolument défendre notre animal dégénéré en société.


II


La paresse est un péché qui empêche d'en commettre beaucoup d'autres.


III


La musique nourrit. Par contre, c'est pas trop engraissant, on peut en reprendre.


IV

L’humilité de l’artiste devant son instrument… il y a sacrifié le meilleur de sa vie ! Joies et peines du musicien.


V


En poésie, il faut la fulgurance, parce que c'est toujours la guerre en poésie (Mandelstam) et la théorie doit être aussi une critique du rythme. Il faut questionner et défier le transpersonnel.


VI


L'amour sans sexe peut être d'une grande tristesse mais le sexe sans amour est la catastrophe absolue : des bêtes s'acharnant sur leur plaisir. Le plus souvent les femmes ne sont pas très pour. C'est la contrainte et l'argent qui vient à bout de leur résistance. C'est souvent ainsi qu'elles deviennent des harpies cyniques, de vraies peaux de vache.

VII

Apprendre est un processus sans fin, mais savoir ! C'est un élément dans lequel on se retrouve tout d'un coup !

vendredi 12 juin 2009

Ironie de l'histoire

Je prends l'exemple de Hitler... encore ! Le régime nazi a perdu la course aux armements par déficience de l'innovation technologique, elle-même provoquée par la fuite des savants juifs : les cerveaux en pointe dans les domaines stratégiques, dont les débuts de la recherche sur la fission de l'atome...

Mais que serait un régime nazi sans haine des juifs ? Le racisme était réellement le dogme régnant et aveuglait aussi les dirigeants ! Ainsi, avec le recul, pourrait-on dire que l'échec ultime du projet de domination du monde était comme programmée dans l'oeuf.

Ironie involontaire. La Ruse de l'Histoire que traquait Hegel est la marche d'une grosse machine, mais délicate, subtile, très complexe, qui ne se soucie pas du détail : le bonheur des sujets, par exemple. Celui qui décide prend pire, le plus souvent.

Parce que l'entendement aux prises avec les exigences de l'action n'arrive pratiquement jamais à embrasser la foule des facteurs pertinents et à les intégrer, hiérarchiquement, dans une image du monde compréhensive et ajustée à l'entremêlement du proche et du lointain, des questions fondamentales, générales et locales, les gros détails, l'urgence première.

Le paradoxe de la Raison dans l'histoire étant que lorsque trop pressé, l'entendement ne peut se décoller pour choisir sereinement l'action, l'attitude, la trajectoire, la conduite la plus "performante"? La plus pertinente. Mais lorsque le temps de l'urgence n'est pas encore venu, le confort de la situation n'incite pas à prévoir la survenue des problèmes, donc à éviter les crises.

Maintenant, imaginons une bombe A nazie en... disons... 1943 ! Cela donne la destruction de Londres, l'occupation de l'Angleterre et le refus des Américains d'entrer en guerre pour l'Europe : ils se contenteront de sauver leurs fesses à l'est en concentrant leurs moyens sur la défense contre l'agression japonaise. Mais les deux principales puissances de l'Axe s'entendaient et ce qui devient possible, c'est l'univers alternatif imaginé par P. K. Dick dans Le maître du Haut-Château.

Un monde entièrement différent où, par exemple, il n'y a plus de problème de famine africaine parce que les populations noires ont été éliminées, une partie de l'Afrique vitrifiée. Un monde assez instable, d'ailleurs, recherchant difficilement un équilibre écologique, celui du cauchemar nazi devenu réalité.

On peut sans doute considérer que notre monde actuel est un peu meilleur, au moins parce que si les mêmes problèmes climatiques, par exemple, peuvent s'y poser, ils se produisent 40 ou 50 ans plus tard. La chance de mieux s'en sortir ? Peut-être, mais c'est encore à voir !

jeudi 11 juin 2009

Petite note sur Nietzsche et l'esprit de la musique

Nietzsche est quelqu'un qui a pris au sérieux l'esprit de la musique, surtout l'héroïsme qu'il "contient" ; mais contient, justement, dans des limites audibles... Le penseur héroïque a voulu libérer cette démesure, ce titanesque dans l'esprit de la musique et il affrontait ces forces, dans son combat avec la vie, qui était, bien sûr, combat pour la vie dans sa conception agonique, mais tout cela à ses risques et périls.

La maladie, l'infection syphilitique, était pour lui une "occasion". Infléchissant son destin et je crois en pleine connaissance de cause : pour défier le cosmos en quelque sorte, il l'a saisie cette occasion. Le Leverkuhn du roman de Mann illustre ce saut, extrêmement courageux dans l'inconnu. Il fallait sortir par un coup de force de l'atmosphère lilliputienne du XIXe siècle.

Il ne faut pas se cacher qu'il y a une part d'hystérie, là-dedans, similaire à celle que l'on retrouve dans le personnage d'un Hitler mais qui était, lui, dénué de l'affect de grandeur, en se faisant le véhicule et réceptacle du désir de vengeance de tout un peuple, incarnation, donc, de la haine presque à l'état pur.

L'hystérie de Nietzsche est angélique, elle le porte vers les hauteurs ; celle de Hitler démoniaque. Il ne faut pas oublier, dans les deux cas, le caractère de passage obligé. Retombées du traité injuste concluant la première horreur mondiale dans un cas, percée hors du philistinisme dans l'autre.

Nietzsche n'est pas un modèle de tout repos et c'est une litote de le dire. Sartre remet le dépassement à l'intérieur de l'homme en une approche certes moins poétique, plus technique ou scientifique, si l'on croit qu'il peut y avoir une telle chose qu'une science de l'homme, de l'humain et que son cœur doit être animé par une décision, un projet philosophique.

vendredi 5 juin 2009

Foucault et Sartre : lettre à un ami...

Mon cher X,

Je me relève en pleine nuit et j'ouvre au hasard un livre Dits et écrits (II, 1976-1988) de Foucault, vers le milieu et je tombe tout de suite sur ce passage, pour moi spécialement intéressant (p. 671) :

>>- Désormais on vous acclame comme le logique successeur de Sartre...
- Sartre n'a pas de successeur, exactement comme moi je n'ai pas de prédécesseurs. Son type d'intellectualisme est extrêmement rare et particulier. Et même il est incomparable. Mais ce n'est pas mon type. Moi je ne ressens aucune compatibilité avec l'existentialisme tel que l'a défini Sartre. L'homme peut avoir le contrôle complet de ses propres actions et de sa propre vie, mais il existe des forces susceptibles d'intervenir que l'on ne peut ignorer. Franchement je préfère la sensibilité intellectuelle de R. D. Laing. Dans son domaine de compétence, Laing a quelque chose à dire, et il le jette sur le papier avec clarté, esprit et imagination. Il parle en fonction de son expérience personnelle, mais il ne fait pas de prophéties. Pourquoi donc devrait-on formuler des prophéties quand celles-ci se réalisent rarement ? De la même façon j'admire Chomsky. Lui non plus ne prophétise pas mais il agit. Il s'est engagé activement dans la campagne américaine contre la guerre du Viêt-nam au sacrifice de son travail, mais dans le cadre de son métier de linguiste.
- Apparemment vous insistez beaucoup sur la vie mentale opposée à la vie physique.
- La mentale ambrasse tout. Platon ne dit-il pas plus ou moins : "Je ne suis jamais aussi actif que quand je ne fais rien" ? Bien entendu, il faisait référence aux activités intellectuelles qui exigent, sur le plan physique, guère plus, peut-être, que de se gratter la tête.<<


Extrait très intéressant pour moi car j'y vois beaucoup à dire et en fait pas mal à redire... Je me suis demandé si son exemple était mal choisi. Car Laing, justement, n'est-il pas une sorte de disciple de Sartre ? N'est-ce pas lui qui a écrit, avec l'aide de Cooper, Raison et violence -dix ans de la philosophie de Sartre, où ils résument, parfois très rigoureusement Question de méthode, Saint-Genet, comédien et martyr, et Critique de la Raison Dialectique.

Certainement Foucault connaît ce livre, qui est une sorte d'introduction à la pensée sartrienne assez bien fait mais à l'usage des collégiens. Alors Foucault cherche à détacher en quelque sorte Sartre de sa sphère d'influence, pour affaiblir le rayonnement peut-être un peu sec ou aveuglant de cet encombrant et formidable rival. Il faut déconnecter le dialecticien aux livres massifs et donc difficiles d'approche de la prétention de la psychanalyse existentielle de faire des petits et de s'emparer activement de ce domaine d'expérience.

C'est dans cette conversation un peu à distance (avec un photographe américain) et à bâtons rompus*, la trace d'une rivalité non pas seulement mimétique mais aussi, rivalité proprement intellectuelle et de prestige, de capital symbolique, dirait le sociologue Bourdieu (lui-même fortement influencé de sartrisme) dans le champ intellectuel philosophique. La double traduction amène un certain flou : Foucault parle en anglais à un américain, la conversation est traduite en italien avec des erreurs, de noms, de lieu, de concepts ?

Juste avant le passage déjà cité, Bauer lui tend la perche :

>>- Non seulement critique, vous êtes, en outre, un rebelle.
- Mais pas un rebelle actif. Je n'ai jamais défilé avec les étudiants et les travailleurs comme le fit Sartre. Je crois que la meilleure forme de protestation est le silence, la totale abstention. Pendant longtemps, je ne suis pas arrivé à supporter les airs que se donnaient certains intellectuels français qui flottaient au-dessus de leur tête comme les auréoles sur certains tableaux de Raphaël. C'est pourquoi j'ai abandonné le France. Je suis parti dans un exil total et merveilleux, d'abord en Suède, ou j'ai enseigné à l'université d'Uppsala, puis, tout à fait à l'opposé, en Tunisie, où j'ai habité Sidi-Bou-Saïd. De cette lumière méditerranéenne on peut dire sans aucun doute qu'elle accentue la perception des valeurs. En Afrique du Nord, chacun est pris pour ce qu'il vaut. Chacun doit s'affirmer par ce qu'il dit et fait, non par ce qu'il a fait ou par sa renommée. Personne ne fait un bond quand on dit "Sartre".<<


Camus disait la même chose sur la clarté méditerranéenne. Ce qui frappe dans l'ensemble, c'est l'obsession de l'omniprésence de Sartre, jusque dans l'insupportable posture de ses imitateurs et contrefacteurs. Il est allé jusqu'à fuir la France pour échapper à ce climat particulier de l'hégémonie existentialiste!, où un rapport trop collé de la théorie à la pratique ne laissait pas assez de place aux nuances, aux études circonstanciées, dans lesquelles, justement son génie propre le versait.

Et le prophétisme, l'anathème du "destin historique", le pathos décrétatoire des vérités ultimes, genre : "Le marxisme est la philosophie indépassable de notre temps, parce que les conditions qui l'ont engendré n'ont pas été dépassées"... laissent en effet songeur aujourd'hui, on comprend l'agacement, presque sensation d'étouffement d'un jeune philosophe créatif, mais au cerveau puissant autant que minutieux : la carrière qui est donnée au détective astucieux alors que presque tout le monde des chercheurs néglige systématiquement les trésors, mais trop copieux!, déposés dans les archives !

Moi je me dis, avec la distance et de mon point de vue qui peut être aussi assez particulier, que Sartre et Foucault se complètent, ils ne se contredisent pas. Ils ont tenté tous les deux dans leur vie, mais chacun à sa manière personnelle, de se libérer d'un carcan institutionnel assez insensé finalement, pour vivre à leur goût et réaliser les œuvres auxquelles les engageait leur grand talent. Talent divers, d'érudition et de pensée, dans la précision critique et micropolitique, pourrait-on dire, ou dans la hauteur de vue et les vastes synthèses, macro et métapolitique.

La métaphysique humaniste de Sartre est un guide dont tout le travail de Foucault n'a pas réussi à le dégager, parce que sur la plupart des grandes questions ces grands penseurs furent fondamentalement d'accord. À moins que je ne me trompe. Alors, dis-moi, Jean-Marc, où je confonds et où je fais erreur. La carte est dressée ; globale, l'autre précise la topographie, l'architecture de certains secteurs, par les champs, petites et grandes villes notamment.

Hier, Obama, dans son grand discours, à choisi de ne pas faire tout un plat, dans l'état des choses et des négociations avec la Chine, de l'anniversaire (20e) du massacre de la place T'ien-an-Men. Il développe, dit-on, une nouvelle politique de l'empathie, pour guérir les blessures de l'histoire et se tourner vers la tâche de construire le monde que nous voulons, dans l'innocence du devenir. Quelle excellente formulation de Nietzsche ! Qui ne souhaite pas que "cela" marche !?
__________
* Cet article parut dans la revue Playmen, 12e année, no. 10, octobre 1978, pp. 21-23, 26, 29-30, sous le titre "M. Foucault. Conversazione senza complessi con il filosofo che analizza le 'strutture del potere' (M. Foucault. Conversation sans complexes avec le philosophe qui analyse les 'structures du pouvoir'; entretien avec J. Bauer ; trad. it. A. Ghizzardi)

mercredi 3 juin 2009

Les Places, ma place sur Terre : environnement proche et "Millenium... le film" !

J'ai un peu négligé cette publication... c'est que j'en ai d'autres qui ont récemment requis une sorte de priorité. Mais je sais que je puis revenir à celui-ci ad libitum. C'est une expression latine et c'est pourquoi je la mets, à propos, en caractères italiques. Mais l'humeur est encore confuse, ces jours-ci : je n'ai toujours pas digéré cet autre printemps (poé)problé(matique)... Il me colle à la peau sous forme d'irrésolution.

J'attends je ne sais quoi mais il y a quand même des impulsions qui proviennent du dehors. L'on a ces jours-ci détruit les immeubles autour de celui que j'habite. Le champ de vision s'est éclairci mais quand je me penche à ma fenêtre je vois l'amoncèlement des gravats.

J'aime bien aussi avoir vue plus directe sur l'autoroute des Laurentides, la 15 qui passe maintenant plus clairement juste sous ma grande fenêtre du salon, on dirait. Excitation, appel du mouvement. Rappel et encore plus clair de l'impermanence de toutes choses, mais aussi appel des prochaines perspectives, quand j'habiterai dans la tour, un des futurs immeubles qui seront construits et où j'aurai ma place, le champ de vision sera tourné vers le nord ou le sud (les deux dans le cas d'un logement traversant !), l'est ou l'ouest ?

C'est à voir mais prochainement : le temps passe vite ! Jean-Marc a commencé à contribuer à mon blog "Prégnances immanentes" mais déjà son commentaire me suggère de modifier le nom... Oh! à peine! Une seule lettre et qui pourrait satisfaire son exigence de rigueur : cela deviendrait "Prégnances imminentes", en accord, si j'ai bien compris, avec l'ontologie heideggerienne. Voilà un autre facteur accélérant et de taille !

Puis je suis allé voir hier, mardi, jour des spéciaux (à 5$ le film dans la chaîne Guzzo) Millénium, le film, version française du film suédois. J'en suis ressorti enchanté, et avec le goût de me faire encore plus plaisir. Si bien que je suis arrêté, en vélo, à la succursale dépôt de la SAQ -Dépôt, au Marché Central où j'étais déjà. J'en suis revenu vers 19 heures, avant le match #3 de la finale Pittsburgh - Détroit, avec un contenant plastique de 1,75 litres de whisky écossais, soit scotch... et dont j'ai quelque peu abusé par la suite.

La soirée s'est écoulée comme au ralenti mais je me réveille poisseux et ne réussis à refaire véritablement surface qu'en après-midi. Je me sens maintenant fébrile de l'effet du café mais j'ai correctement inauguré ma collaboration, sur mon blog ci-dessus nommé avec l'ami Jean-Marc, qui fait sentir, cependant la pression de son exigence.

Ce que je retiens de l'extase dans laquelle m'a plongé, tout à fait ravi, la jouissance de ce film, gros de toute cette intense lecture encore assez récente (les trois gros tomes en huit jours, lors de la seconde semaine de janvier) c'est que le meilleur enseignement est celui d'une enquête minutieuse et technique mais guidée par une compréhension emphatique, voire amoureuse du "sujet" qui est l'objet de l'enquête. Harriet assassinée est en fait disparue, à fui à l'autre bout du monde après avoir tenté d'avertir le patriarche de la folie assassine du frère (père de Harriet) et du fils.

Blomqvist se passionne pour l'enquête et avec l'aide de Lisbeth, il parvient à retrouver la "victime" ! Salander, de son côté l'aide à retrouver une série des victimes parce qu'elle se met à leur place, ayant eu à souffrir et voyant sa mère souffrir d'un père psychopathe (qui se révélera, dans la suite de la trilogie un agent double soviétique ayant fait défection et retourné sa veste pour collaborer avec les services suédois, trop contents de leur "prise" pour lui refuser aucun de ses moindres caprices, mêmes quand ceux-ci, criminels, impliquaient la torture et le meurtre. À commencer la la relation sado-masochiste de la mère de Lisbeth.

Celle-ci tranche par son attitude rigoureuse ou rigide : elle n'a pas la moindre pitié ni compassion pour les bourreaux. Elle laisse "cramer" Martin, le fils et sérial killer démasqué dans sa voiture accidentée, dans le ravin. Elle est l'héroïne attachante parce qu'elle personnifie le courage nécessaire de celles qui refusent le rôle de victimes : elle rend coup pour coup et se fait même à l'occasion l'ange exécutoire d'une sorte de justice. Les deux autres tomes de la trilogie seront portés à l'écran sous forme de série télévisée et je prédis bien sûr un énorme succès. Lisbeth dit, elle aussi, que nous sommes responsables de ce que nous choisissons d'être. C'est pourquoi elle n'excuse pas les assassins sadiques. Et elle, tue pour se défendre, lorsque contrainte.

La série marquant le tome II sera pleine de rebondissements, coup de théâtre, elle meurt, pour renaître en quelque sorte mais à grand-peine. Pénible internement, son procès et le dénouement seront passionnant à suivre. Blomqvist est le héros traditionnel, le chevalier blanc, un peu débonnaire. Il collaborera efficacement et la gloire retombera sur lui. Elle est l'ange terrible de la vengeance, inflexible comme d'un courroux surnaturel. L'exposition de son cas mettra à nu les rouages les moins glorieux de l'État suédois, dans ses aspects du pouvoir clandestins des polices secrètes qui agissent comme si elles se situaient au-dessus des lois.

Le destin si particulier de Lisbeth est la rencontre du drame le plus personnel, intime, avec la mise en question, lourde, cérémonieuse, des grands ensembles : la froide monstruosité des mécanismes de l'État, soi-disant providence. Les monstres foisonnes et le salut exige beaucoup de travail. Voilà ce que je retiens de ce film, mais nourri de la lecture (anticipant sur le suite) des livres !

J'ai à savoir que l'esthétique "trash" ne constitue pas un alibi à toutes épreuves. Et puis des sollicitations instantes font que je devrai, dès demain je crois, ou prochainement, tenter une sortie. J'ai reçu deux appels déjà du réseau des bibliothèques de la ville de Montréal et j'ai appelé aujourd'hui, puisque je ne pouvais accéder à mon compte via internet (oubli du mot de passe) et j'ai pu vérifier que c'est la fameuse Lettre sur l'humanisme, de Heidegger, qui est porté manquante. Je l'avais déposée à la grande bibliothèque mais pas en même temps que l'autre livre emprunté à l'île Bizard, le Chomsky récent : L'Ivresse du pouvoir (2008). Celui-ci est décrit comme en transit, sur le site internet du réseau des bibliothèques montréalaises accessible au public.

Mais le livre essentiel semble introuvable : j'ai cherché, je ne l'ai pas avec moi et je me souviens l'avoir déposé en vitesse juste avant d'aller voir le film Star Treck vendredi soir au Cinéma du Quartier Latin. Me voilà donc bien embêté. Il va falloir que je vérifie avec la grande bibliothèque pour retracer l'erreur et si on ne le retrouve pas je devrai payer pour le remplacement du document. Cela peut aller presque aussi cher que la bouteille de scotch...

Quelques emmerdements en perspective, donc, mais cela demeure pour la bonne cause de l'exact maniement des livres. Je suis un vil lecteur mais tout espoir n'est pas perdu. Je ne suis plus seul dans l'univers et même mon monde, quelque part, communique !

Côté micro-climat et avant les soirs d'été il fait déjà trop chaud chez moi. C'est que le brassement des poussières du chantier de démolition me prévient d'ouvrir les fenêtres le jour. J'arrive à rafraîchir le soir et c'est encore une chance ! Je souffre plus régulièrement de la chaleur que de quoique ce soit d'autre, à part peut-être de nostalgie ou autre forme de privation d'amour. Sentiment diffus de manque qui selon certains nous fait vivre ! Je dirais plutôt qui nous provoque à l'alerte de cette blessure ouverte qu'est, aujourd'hui surtout, dans l'époque, la conscience.

Alors que le soir tombe, que la lumière naturelle se retire, l'obscurité grandit de partout et je dois consentir à tourner le commutateur pour faire jaillir un peu de lumière, artificielle. Car je vis souvent de nuit cette sorte d'existence comme larvaire ou quelque peur parasitaire. Je me suis dit que je ne voulais plus écrire pour me déprimer encore plus. Mais cela n'exclut pas les gestes nécessaires dictés par un reste de lucidité.

Occident, lieu du couchant, en allemand, tombée de la nuit... mais quelle heure est-il, à l'horloge du monde ? Et quelle heure encore à l'horloge cosmique ?

Nous ne connaissons pas, peut-être jamais mais pas encore l'heure galactique qu'on nous montre dans Star Treck. I hope to live long et wish you to prosper.

Salut en "V", puis salut tout court.

lundi 27 avril 2009

repos, distances et autres routes

Enfin, j'ai bien dormi. Prendre de la distance. Liberté dans l'emploi du temps. Chance inouïe d'avoir évité les esclavages. Peut-être même je pourrais revenir un peu en arrière sur ce blog et réécrire, compléter l'envol manqué du printemps. Le printemps n'est pas fini. En fait, il commence à peine à faire chaud, ici, au fond de cette bouche ouverte sur l'Atlantique, dans la gorge nordique de l'Amérique. Première journée mais presque d'été. 29* celsius annoncé comme max. aujourd'hui.

J'ai fait ce qu'il fallait. J'ai profité de la coupure d'électricité annoncée pour tout fermer, même éteindre les bougies, et me coucher dans l'obscurité. La coupure fut très brève, à peine dix minutes je crois bien, mais j'ai continué à reposer écoutant la radio très bas. J'ai remarqué que cette très légère tension de l'attention est très facilement trompée et que c'est presque une recette infaillible pour s'endormir. Réveils souvent. Rendormissements faciles.

Alors je me lève dans la lumière du soleil et une nouvelle semaine commence, qui pourrait être resplendissante. J'écoute la poésie de Miron sur cd. Notre Gaston, notre poète national, mais encore inaccomplie, la nation ! Le contentement du repos, le remplissement du sommeil permet de sortir de l'hystérie, fuir un moment cette frénésie où le café bien vite me ramène. "Nous serons devenus des bêtes féroces de l'espoir!"

Nous n'en avons pas eu beaucoup! en tout cas d'aussi "grand". Grand? Oui, une grandeur dans le simple, c'est-à-dire qui atteint la force, la puissance étonnante du simple. Et pas de recette : c'est dans l'épousement de l'expérience et la sensation à peine questionnée de cette existence que s'éprouve la force de l'appartenance, une sorte de propulsion du destin. Il n'y a pas de recette et c'est ainsi que ce poète atteint sa grandeur. Grandeur alors qui lui est propre, sienne, son exacte grandeur, faite en grande partie d'abandon. Laissée comme une marque sur la carte, une borne indiquant la route.

Le poème exècre le volontarisme, le poète meurt de toute posture outrée. Il fuit les acteurs qui le poursuivent et veulent, doivent se coller à sa gloire. Car c'est lui qui forge la gloire, et le feu de ses soufflets, des instruments rougis la transmet. Il crée la lumière dans laquelle nous voulons voir.

jeudi 23 avril 2009

insomnie

les yeux fermés longtemps mais une tension monte blanche dans la tête des pensées hasardeuses obsédantes fragmentaires lentes obsessions puis morceaux heurtés j'ouvre les yeux dans la pénombre ils restent longtemps ouverts et c'est gris il faut que je me relève pour écrire il est quatre heures passées que faire? planifier? demain? il y a beaucoup à faire je le sais mais chacune de ces choses en elles-mêmes ne font pas grande différence dans ma vie alors j'ai tendance à en faire moins attendre reporter sinon le moins possible et réfléchir sur la non-agir grotesque préjugé occidental que de penser qu'il y a toujours quelque chose à faire et que d'agir c'est toujours mieux agitation d'extraverti hystérique wu wei la puissance simple du non-agir taoïste par exemple moi tout de suite je ressens trop de tension pour simplement demeurer là couché dans un respir insatisfait élimination honteuse du canadien contre boston "humiliation historique" ai-je écrit en talkback sur rds sous les colonnes de "une élimination amère" tension accumulée par le jeu poker texas hold'em sur internet la tension est dorée chauffe dans la tête et chaleur sèche dans les reins qu'est-ce que je vais faire de tout ce temps qui me reste alors que j'ai basculé de l'autre côté du pays de l'amour alors que je me replie dans cette forteresse de solitude et de pauvreté alors que même mon temps celui des plaisirs n'est plus riche quelquefois que vais-je faire des lents demains ? mon dieu que vais-je faire de tous des lents demains ? il y aura des jours de soleil et des sorties à bicyclette mais trop souvent je fuis le soleil et les jours il y aura quelques moments de joie le bricolage autour des repas et toutes ces tâches que je repousse qui me rattrapent la vaisselle le lavage presque rien lavé depuis octobre j'ai beaucoup de vieux vêtements ils font encore l'affaire mais maintenant presque tout est sale je ne me soucie pas des odeurs puisque je ne vois personne plutôt j'aime bien vivre dans mes odeurs mais en reclus? puisque des soirs de hockey se libèrent j'aurai peut-être un peu plus de temps pour ménager des sorties tenter un retour dans le monde des autres multimonde merci insomnie merci cerveau prêtés je sais que vous n'êtes pas à moi mais j'en ai l'usage il y a des espaces mais il n'y a pas de places assurées dans le monde des autres et moi en plus j'entends d'avance le grondement montant des catastrophes approchantes moutons noirs des nuages immenses troupeaux de bisons fantômes sur nos plaines dévastées l'amérique est foutue je vous l'avais bien dit... coincé en bordure sur la touche j'attends les prémices de la chute les ruées du délire le tremblement des fous la nef dans la tempête

samedi 18 avril 2009

comédie du sexe

Le sexe(malheureusement) est dénaturé. (La racine est pourrie! d'où nous provenons. Mais le flux continue de la vie : où allons-nous?) Quand la pulsion ressentie trouve un "objet" de substitution tout préparé, mis en boîte, scellé sous le cliché, présenté pour un "soulagement rapide et efficace", comme le dit la publicité pour Aspirine, il ne s'agit plus que de provoquer un petit spasme et l'affaire se réduit à la triste émission d'une chiche giclée de fluide séminal.

Toute cette comédie du sexe devient franchement ridicule dès qu'elle n'est pas aimantée par la troublante magie du désir. Il s'agit là d'envoûtements... qu'il faut avoir connus et, en quelque sorte, personnellement, avant de se croire ou sentir en mesure d'en parler. Mais le tact suggère que la discrétion est le plus souvent de mise en cette matière. Tous ces bavardages où l'on ne parle que de "ça"! Le sexe sans amour est une calamité.

Tout cela est pitoyable et le scandale est à son comble lorsque la danse ne résulte pas d'une progression de l'excitation à la lente reptation, trouble croissant à son rythme dans les méandres de la séduction... Nous vivons dans l'ambiance, car elle est universelle!, de la prostitution de la chair... chère humaine. Découpée des désirs, découpés en morceaux... les corps sanglants acoquinés.

À qui trouver parler dans la splendeur de la neige qui se retire, dans la nuit qui persiste, à qui trouver dire, soupirer ces questions suspendues ? J'ai été tenu loin de la source, trop longtemps...

vendredi 17 avril 2009

explosion

Laisse dire ce qui va :

un jet de lumière s'empare de ma demeure
(d'où provient-il sinon)
issu de la lampe du projecteur ?

illuminant malgré de temps de détresse
bien trop tôt sonnera l'heure
il ne faut nommer hors propos la déesse

bientôt viendra son heure
impossible d'éluder ses dons
ni la flamme de sa sagesse

Comme lorsque j'écris j'ai l'impression quelquefois de jouer sur le clavier de l'âme je crois que Dieu, le grand Artiste, joue, lui, sur le clavier de l'ADN. Quand la vie est semée sur une planète, l'aventure commence dont la programmation est déjà largement avancée, encryptée d'une certaine manière dans les tendances aggrégatives mêmes de la matière fondamentale : de longues étapes sont nécessaires et de prédations apparemment insensées pendant des milliers de millénaires mais, finalement advient ce qui se dégage de la simple prédation, physique, nutritionnelle et pour tout dire sanguinaire, pour en arriver au décollage du jeu un peu plus subtil des plaisirs et tourments de l'esprit.

Notre science (des causes) efficiente(s), c'est-à-dire se concentrant sur les enchaînements antécédents des causes matérielles, ne laisse pas deviner l'ombre programmatrice qui semble-t-il préside à ce jeu, l'appelle du fonds des éons et abîmes glaciaux des espaces cosmiques. Les espèces dépositaires du grand jeu de la vie, reprennent tour à tour ou simultanément le flambeau de ce jeu pétillant, feu éclairant de l'esprit qui combat férocement pour l'extension du domaine de la lutte, son domaine illuminé par la conscience, indispensable autoréflexion, qui révèle à plus grande distance les enjeux d'une persistante expansion.

Volonté de puissance en son essence, puisqu'il lui faut manger, la vie, surmonter en quelque sorte la froide dévoration du néant.